A quelques mois de la grande rétrospective Léonard de Vinci prévue cet automne au Louvre, la localisation de ce tableau de 65 cm sur 45, où le Christ émerge des ténèbres, bénissant d'une main le monde tout en tenant un globe transparent dans l'autre, reste un mystère.
Le Louvre espère cette oeuvre pour cette exposition. "Le Louvre a demandé au Département de la culture et du tourisme d'Abu Dhabi le tableau en prêt", confirme le musée parisien à l'AFP. Mais "nous n'avons pas encore la réponse", ajoute-t-il, alors que les doutes persistent sur l'authenticité de l'oeuvre.
Aujourd'hui encore, on ignore officiellement qui a acheté le tableau.
Selon le Wall Street Journal, l'acheteur serait le prince saoudien Badr ben Abdallah, agissant au nom du puissant prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, lequel n'a jamais confirmé ni démenti.
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Selon Artprice, leader mondial des banques de données sur la cotation de l'art, les oulémas (théologiens) de l'université Al Azhar du Caire ont déconseillé à "MBS" de s'afficher avec le tableau pour des raisons religieuses: Jésus est considéré comme un prophète, mais le tableau le représente en tant que sauveur du monde, donc Dieu, représentation impossible en islam.
D'autres sources, notamment des historiens des religions, corroborent cette opinion.
Toujours est-il que le "Salvator Mundi" devait être exposé en septembre dernier au Louvre Abu Dhabi, partenaire du musée parisien. Or le musée émirati a annoncé à la surprise générale le report de l'exposition.
Le ministère de la Culture et du Tourisme émirati n'a pas souhaité répondre à l'AFP, assurant seulement qu'ils étaient "propriétaires" du tableau.
Egalement sollicité, le Conseil international des musées, qui enregistre le dépôt des oeuvres dans les musées, n'a pas non plus souhaité confirmer ou non si une procédure avait bien été engagée entre le Louvre Abu Dhabi et le propriétaire du "Salvator Mundi" pour officialiser le dépôt.
Sur la localisation actuelle du tableau, les experts interrogés sont partagés: certains le voient dans les réserves du Louvre Abu Dhabi, mais d'autres estiment qu'il n'y est jamais arrivé, l'un évoquant "un musée, à Genève"...
Ces mystères s'ajoutent aux doutes récurrents de certains spécialistes sur la paternité de l'œuvre, qui pourrait avoir été réalisée par des disciples de Léonard, non par le maître.
"Certains détails ne trompent pas", comme la mauvaise exécution d'un doigt - "la rotation du majeur sur lui même", "anatomiquement impossible" - alors même que De Vinci était un grand connaisseur du corps humain, affirme Jacques Franck, spécialiste de la technique picturale du génie italien.
"A l'époque où le tableau a été peint (aux alentours de 1500), Léonard de Vinci faisait exécuter ses œuvres par son atelier", continue-t-il.
Daniel Salvatore Schiffer, philosophe de l'art et fin connaisseur du sujet, "nie" également la "paternité" du tableau": "quand on analyse dans le détail, rien n'est de Léonard, ce n'est pas dans son esprit". En outre, dit-il, "le Salvator Mundi n'a jamais été mentionné dans la correspondance de Léonard de Vinci", ni dans celle de ses contemporains.