Violences marocaines

Michel Teuler

ChroniqueIl va bien falloir que quelques-uns d’entre vous comprennent que critiquer, ce n’est pas insulter, que dénoncer, ce n’est pas trahir. Faites donc ces nuances, si vous ne les savez pas encore.

Le 25/04/2019 à 11h17

La semaine dernière, j’ai eu droit à un véritable déchaînement de violences verbales, diverses et variées, suite à un texte que j’ai publié ici-même, où j’ai dénoncé l’imposture et la forfaiture de ce personnage public qui a été autrefois mon mari, un texte que j’assume entièrement, et sur lequel je ne reviendrai pas.

Les community managers estampillés Le360 ont été littéralement submergés, tout particulièrement sur Facebook, par certaines diatribes d’une rare violence, potentiellement passibles pour leurs auteurs d’être traînés devant la justice.

Quelqu’un a même tenté de pirater un de mes comptes sur un réseau social que je ne nommerai pas, et à cinq heures du matin, s’il vous plaît (songer à ma petite personne, «à l’heure où blanchit la campagne», il faut quand même en tenir une sacrée couche).

Bref.

Face à cette déferlante, c’est très calmement, en pianotant très posément sur mon clavier, que je vous écris ce qui n’est un secret pour personne, vous le savez d’ailleurs aussi bien que moi: la société marocaine baigne dans la violence.

Les femmes, les mères, les enfants battus sont légion.

Les pères qui ont sombré dans l’alcoolisme, puis dans des déchaînements de violences physiques ou verbales, aussi.

Ou alors, ceux-ci ont décidé qu’ils ont tout compris à la vie, se laissent pousser une barbe touffue, deviennent islamistes, se bercent de discours prosélytes et manipulateurs, sont persuadés de suivre des «préceptes divins» et d’être sur le «droit chemin» en battant leur femme selon des codes bien définis. (Il y a même des tutoriels sur YouTube pour cela, œuvres de prédicateurs orientaux, ne frémissez pas, c’est tristement vrai).

Ou encore, ils se prennent pour Dieu le père. Le grand manitou himself. Le chef incontesté de la famille. Ze patriarche. Celui devant lequel personne ne moufte, sinon…

Ah là là… Mais calme ta joie, mon gars. Tu es un mâle, on le voit bien. Mais, le sais-tu, une société humaine se compose aussi de femmes, et d’enfants, que ta simple humanité t’impose de respecter.

Les statistiques issues d’études commanditées par des associations marocaines de défense des droits des femmes, ou de protection de l’enfance, viennent prouver, chaque année, l’existence de cette violence domestique, qui «s’étend» logiquement à l’extérieur, qui «s’épanouit» jusque dans la sphère publique, c’est-à-dire dans la rue, ou dans l’espace virtuel.

Du harcèlement.

Du dénigrement, de l’humiliation des femmes.

Lesquelles, parfois, souvent, se soumettent, et deviennent les gardiennes de leur propre geôle, qu’elles ont nommée «tradition».

De la délinquance et son cortège de drogues plus destructrices les unes que les autres.

Je ne vais pas faire la docte, je ne vous exhumerai donc pas l’horreur de ces chiffres, pourtant glaçants.

Chaque année, nos médias les égrènent. Un rapide tour sur le web vous en convaincra, si vous n’êtes bizarrement jamais tombés sur un article détaillant froidement, pourcentages à l’appui, ces horreurs marocaines.

Dans les campagnes comme en milieu urbain, cette violence est là. Palpable. Mesurable.

Aucune catégorie sociale n’est épargnée.

Je vais me retenir.

Je jure mes grands dieux que je ne vous écrirai ici, dans ce texte, aucun gros mot. Pourtant, ce n’est pas l’envie de jurer comme un charretier qui me manque (et je le fais avec une grande facilité, merci Frédéric Dard, il aura suffi de deux de tes bouquins).

Pas de gros mots, donc, mais ce constat: quand on vit dans la violence, qu’on a grandi entouré de la négation même de ce qui fait de nous des êtres humains, deux solutions s’offrent à nous, une fois devenus jeunes adultes, puis adultes.

Perpétuer ce schéma dévastateur, quitte à devenir un pauvre être paumé. Se détruire et tenter de détruire les autres, son entourage immédiat, ou ceux que l’on ne connaît pas.

Sombrer dans de graves addictions.

Plonger dans la violence physique, verbale, la crasse et laide bêtise.

Ou alors… Dépasser courageusement cette horreur, cette violence qu’on a connue, décider que celle-ci fait partie de son passé, et opter, malgré tout, pour l’humanité, pour la vie dans ce qu’elle a de plus beau: être résilient, comprendre que l’on est, soi-même, l’architecte de sa propre existence et de son destin.

J’ai décidé, quant à moi, d’être humaine.

Ça me gratouille, ça me chatouille, mais je ne répondrai pas à vos bassesses, à certains déchaînements de violence verbale de la semaine dernière.

Il va bien falloir que quelques-uns d’entre vous comprennent que critiquer, ce n’est pas insulter, que dénoncer, ce n’est pas trahir.

Faites donc ces nuances, si vous ne les savez pas encore.

Ce fonctionnement, si vous êtes de ces Marocains paumés, en perte de repères, de valeurs, ne vous mènera nulle part. Je peux vous le garantir.

Etre violent, verbalement comme physiquement, doucereusement comme brutalement, c’est être inhumain.

Je ne me soumettrai évidemment pas à la stupidité de vos diktats et de vos intimidations, qui ne m’effraient pas.

Vos tentatives d’humiliations, quant à elles, n’éclaboussent que vous-mêmes.

Que cette violence collective pourrisse et s’évanouisse, c’est ce que je souhaite du fond du cœur à notre destin commun.

PS. Putain (ah, zut, un gros mot, sorry, c’est vraiment plus fort que moi) ce n’est quand même pas si compliqué à comprendre. Vous n’aimez pas ce que je propose? C’est simple: vous ne le lisez pas. Vous passez vite à autre chose. Une partie de billard, un footing, un brushing, une manucure, une douche, une balade en poney, ou… Oh, miracle, un livre, de la musique, un film. Mais pourquoi diantre vous faites-vous donc tant de mal en lisant cette prose? «Ça m’énerve, mais je lis quand même. Je déteste ce qu’elle écrit, mais je lis quand même»… Ça va bien la tête?

Par Mouna Lahrech
Le 25/04/2019 à 11h17