Le verdict de Hajar est une catastrophe nationale

DR

ChroniqueA quoi servent les syndicats, les élus, partis politiques, les Conseils de ci ou de ça, s’ils ne font rien pour réparer cette catastrophe qui fait mal à l’ensemble de la société marocaine?

Le 05/10/2019 à 14h16

Le verdict rendu dans l’affaire Hajar est stupide. C’est du non-sens.

En dehors de la première concernée, condamnée à un an de prison ferme pour avortement et relations sexuelles hors-mariage (ce qu’elle continue de nier), il y a les autres. Examinons leurs cas, un par un s’il vous plaît, parce qu’ils n’ont pas eu la place qu’ils méritent.

Nous avons le «fiancé», qui est de nationalité soudanaise, et qui est condamné lui aussi, par «solidarité», à un an de prison ferme. La justice marocaine a choisi de le mettre en prison pour «complicité». En réalité, cette complicité devrait lui valoir une décoration. Parce qu’il n’a pas abandonné sa compagne et qu’il a tenu, au contraire, à l’accompagner dans son chemin de croix. Chose que peu d’hommes font, qu’ils soient les maris, les fiancés ou les petits copains de la victime.

Condamner cet homme est une honte pour la justice marocaine. Que dire d’autre, sinon?

Nous avons le médecin, un gynécologue honnête et compétent, qui a même reçu une décoration royale, et qui se retrouve en prison pour deux ans, avec interdiction d’exercer son métier pendant un certain temps… A-t-il réellement pratiqué un avortement? Peut-être pas.

Ce qui est sûr, c’est que le médecin a respecté le serment d’Hippocrate, qui est de venir en aide à son malade. Qu’aurait-il dû faire : refuser de recevoir une jeune femme en détresse? La laisser à la porte? Lui demander son fichier d’état-civil?

En condamnant ce respectable praticien de 62 ans, la justice marocaine lui dit: il ne faut pas porter assistance à une personne en danger, il faut lui tourner le dos, l’abandonner.

La justice marocaine, qui ne vit peut-être pas au Maroc, semble ignorer que l’avortement est un authentique problème de santé publique. Puisque près d’un millier de femmes accouchent clandestinement, tous les jours.

Si vous jetez les accoucheurs en prison, vous condamnez toutes ces femmes à se débrouiller toutes seules. Vous leur dites «Allez en enfer!». Elles n’ont qu’à accoucher sans médecin, avec le risque de mourir ou de tuer leur enfant. C’est bien ça?

Et que dire des peines de prison, avec sursis, dont récoltent l’assistant du chirurgien… et sa secrétaire. Ces deux personnes n’ont commis aucun crime. Vous imaginez si vous vous présentez à un cabinet médical et que la standardiste exige de connaitre votre dossier médical dans le détail, et votre situation maritale, avant de vous accorder un rendez-vous ou même de vous parler?

Vous mesurez la terrible injustice qui s’est abattue sur toutes ces personnes?

Vous imaginez leur détresse?

Vous imaginez la situation dans laquelle se trouvent, en ce moment même, des centaines, voire des milliers de Marocaines, qui doivent avorter?

Vous imaginez la psychose dans laquelle se trouvent des milliers de médecins, d’assistants, de secrétaires, etc.?

La condamnation de Hajar et des autres est une honte. Un pays qui jette toutes ces personnes en prison n’est pas digne de confiance. Ce n’est pas seulement les lois stupides qui ont rendu cette aberration possible, mais un état d’arriération générale.

Où sont les instances représentatives du corps médical, dont le silence est assourdissant? Où sont les représentants des secteurs privé ou public, si prompts à s’écharper pour des broutilles? A quoi servent les syndicats, les élus, partis politiques, les Conseils de ci ou de ça, s’ils ne font rien pour réparer cette catastrophe qui fait mal à l’ensemble de la société marocaine?

Par Karim Boukhari
Le 05/10/2019 à 14h16