Vidéo. Rahma, 36 ans, séquestrée, violée, torturée, témoigne

Le360

Rahma raconte son histoire, son calvaire, un inoubliable jeudi de sang où son mari s'est acharné sur son corps. Elle a pris la parole, ce qui a d'ailleurs interpellé le maire de Tanger. ATTENTION: la vidéo comporte des images dures qui peuvent heurter la sensibilité.

Le 04/12/2014 à 18h57

La voix est faible, le souffle court. Immobilisée, les jambes brisées, les bras plâtrés, dans son lit d’hôpital, elle retraverse comme un mauvais film le calvaire qu’elle a subi avant de sombrer dans le coma. Un coma d’une semaine, dont elle s’est réveillée il y a 8 jours. Ce jeudi 20 novembre restera à jamais gravée dans sa mémoire comme elle le restera dans sa chair brûlée et criblée de coups de couteaux ; comme elle le restera dans ses os fracassés qui garderont les séquelles de ce jour de terreur. Car Rahma ne sait pas même si elle pourra remarcher un jour.Elle raconte, d’une voix ténue, monocorde, à la manière de victimes ou témoins d’horreurs qui les dépassent et les regardent de loin, comme si elles n’étaient pas leurs, ne pouvaient être leurs. 

Le fil des souvenirs se déroule. Ce fameux inoubliable jeudi, son mari l’avait appelée, à midi, en prétendant avoir déniché la belle chambre à coucher qui leur manquait pour achever d’aménager confortablement leur appartement. Mais il avait besoin d’elle car il n’avait pas la somme nécessaire pour acheter les meubles. Rahma, alors au travail, lui propose de la rejoindre à 14h à la banque, où elle lui remettra 2400 dhs. «Nous sommes alors rentrés à la maison, j’ai préparé le repas, nous avons déjeuné, tout allait bien», murmure-t-elle. Mais, tout d’un coup, son mari prétextera une urgence professionnelle pour sortir et revenir, dans la soirée, accompagné d’un ami. Le cauchemar commencera à ce moment-là, à l’instant même où les deux hommes auront franchi le palier, alors que la pauvre femme pensait voir revenir son époux avec la fameuse chambre à coucher. Or, Rahma, sans n’y rien comprendre, sera prise dans un tourbillon de violence. Les deux hommes étaient-ils déjà éméchés? Toujours est-il que l’époux de la jeune femme commencera, dès son retour par menacer et insulter sa femme, avant d’entreprendre de la dénuder, la ligoter, la torturer. «Ils se sont mis à boire devant moi et à rouler dans du papier d’aluminium et des billets de 200 dhs une poudre blanche qui ressemblait à de la farine et qu’ils inspiraient par le nez», poursuit-elle avec une naïveté déconcertante. Mais soudain, alors que son mari lui portait un nouveau coup tout en absorbant alcool et cocaïne, la jeune femme, toujours ligotée, de la tête aux pieds, avec une corde dans laquelle son mari l’avait étroitement enroulée, a tressailli et fait renverser, dans ce mouvement de sursaut, de l’alcool sur la fameuse poudre. Ce qui a eu pour effet de mettre dans une rage folle son tortionnaire. Il sortira alors de sa poche l’argent que sa femme lui avait remis, argent de son labeur, pour le tendre à son compère qui sortira alors se réapprovisionner en cocaïne.

Chute dans l’innommableLa jeune femme subira alors, comme elle nous le confiera, les sévices sexuels les plus inimaginables. «Il m’a violée, violentée sexuellement de toutes les manières possibles», dira-t-elle. S’emparant d’un couteau, son mari lui labourera le corps de coups de lame tranchante, lui brisera une bouteille de verre sur la tête… C’est un véritable déluge de violence qui s’abat sur la jeune femme, incapable de se défendre. Son mari, incontrôlable, s'emparera d'un flacon d'acide qu'il déversera sur elle: "J'ai perdu tous mes cheveux et ai été brûlée au cou". Il ira même jusqu'à proposer à son compère, revenu de ses «emplettes», d’abuser de sa femme. «Mais il refusera, et moi qui étais là, toute nue. Je perdais du sang de partout. Une fois son ami parti, j’ai demandé à mon mari de me libérer pour que je puisse me laver de ce sang. Et j’avais froid.» Elle devra le supplier à plusieurs reprises avant qu’il n’accepte d’accéder à sa requête. «Je me suis habillée, me suis dirigée vers le lavabo. Mais je ne voyais que ce balcon», ajoutera Rahma. Charcutée, souillée, désespérée… La mort est soudain apparue à la jeune femme comme la seule voie possible pour échapper à la folie et à l’enfer. Oui, l’idée du suicide lui avait bel et bien traversé l’esprit. Mais elle n’aura pas eu besoin d’hésiter longtemps. Son mari se chargera de la jeter dans le vide, du 4ème étage. Le corps de Rahma ira se briser sur la chaussée, et nul ne peut dire si elle remarchera un jour. D’abord admise à l’hôpital, la jeune femme a été transportée, il y a deux jours, dans une clinique de Tanger, tant son état est préoccupant. Lui donner la parole aura permis de sensibiliser à la situation de cette femme, de condition très modeste de surcroît, et au fléau de la violence conjugale en général. Le maire de Tanger a ainsi été interpellé par ce drame et fait savoir à la jeune femme qu’il lui apporterait son aide. Ce type de tragédie ne doit pas se résumer à des «faits divers» qu’on parcourt des yeux sur un journal pour les oublier aussitôt. Les faits divers sont des êtres humains. Et quand les horreurs sur lesquelles ils portent se font récurrentes, ils deviennent un problème de société. Inquiétant, inadmissible, dangereux et toxique. Pour ce qui est du mari de Rahma qui, outre ses graves traumatismes physiques, a besoin d'un soutien psychologique urgent, il a été arrêté, tandis que son complice est toujours dans la nature.

Par Bouthaina Azami
Le 04/12/2014 à 18h57