Vidéo. Harcèlement sexuel en hausse au Maroc: voici les raisons, selon deux experts

le360

Le 18/09/2021 à 13h38

VidéoL’agression sexuelle filmée à l’encontre d’une jeune femme marchant dans la rue à Tanger a provoqué une vague d’indignation au sein de la société. Une séquence qui relance le débat sur le harcèlement sexuel et les conséquences graves subies par les victimes. Quelles sont les raisons derrière ce comportement indigne? La réponse de deux experts.

Chaque année au Maroc, plus de 300.000 femmes sont victimes d’agressions et de harcèlement sexuels ou de rue. Un phénomène qui s’intensifie de plus en plus dans les voies publiques, devenant très grave, car ces agresseurs ne se cachent plus, allant même jusqu'à exposer leurs actes haïssables sur la toile. Des comportements indignes et inqualifiables qui ne cessent de s’intensifier, mettant à mal les victimes dans la vie de tous les jours.

Pour Bouchra Abdou, militante féministe et présidente de l’Association Tahaddi pour l’Egalité et la Citoyenneté, «ces actes de harcèlement sexuel doivent impérativement être punis par la loi. En effet, la victime dispose d’un droit légal qui lui permet de poursuivre en justice ses agresseurs, mais celle-ci doit réagir sur le champ en se dirigeant vers les services de sûreté les plus proches pour déposer une plainte et faire part de l’enchaînement de l’histoire».

Ces comportements harcelants sont perçus différemment, mais l’impact sur la victime est toujours présent. En effet, «le harcèlement, qu’il soit de rue ou physique, est considéré comme un acte criminel punissable par la loi, car il compromet l’intégrité physique de la victime, il impacte également sa santé mentale, et limite de manière considérable ses libertés dans les espaces publics», précise la présidente de l’association.

Pour Hatim Charafi Drissi, médecin psycho-sexologue, les raisons qui poussent ces harceleurs à agir ainsi sont évidentes. Selon lui, il existe trois cas tout à fait distincts. «Nous pouvons différencier entre trois profils. Il y a l’homme qui se sent impuissant car il ne dispose pas d’une force psychologique qui lui permet d’imposer son pouvoir et son statut social dans la société. Le second est le pervers, celui-ci prend un malin plaisir à rabaisser et mépriser sa victime, et puis finalement il y a le narcissique, qui se considère supérieur à la gent féminine en général, manifestant un besoin excessif d’être admiré par ses victimes. Ces trois cas font que plusieurs femmes et filles sont aujourd’hui victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles».

Dans ce sens, Bouchra Abdou explique qu’aujourd’hui «la femme est beaucoup plus assimilée à un bout de chaire. Les hommes ne voient pas la femme comme un humain, mais la réduisent à un corps, et laissent penser que leurs actes envers elles sont tout à fait légitimes. L’insulter, la draguer ou la frapper sont des choses normales pour eux, car c’est la culture masculine sexiste qui leur a inculqué ce mode de pensée».

Par ailleurs, le médecin psycho-sexologue sensibilise sur l’importance d’enseigner l’éducation sexuelle, surtout au Maroc, où l’islam est la religion de l’Etat, avec certains codes surtout vestimentaires mis en place et qui doivent être respectés, pour ne pas bousculer l’opinion publique, en l’occurrence les hommes.

D’après cet expert, «l’éducation sexuelle informe sur la sexualité et transmet un certain nombre de valeurs et de recommandations. Elle commence dans l’enfance et se poursuit dans une certaine mesure tout au long de la vie. Elle peut notamment avoir pour objet l'expression et la discussion autour des sentiments amoureux, des pratiques sexuelles, de la santé sexuelle et reproductive, des notions de consentement et de respect mutuel».

Selon les derniers chiffres du Haut Commissariat au Plan (HCP), 372.000 femmes sont victimes, annuellement, de harcèlement sexuel dans les espaces publics, 32.000 femmes actives subissent des formes de violence sexuelle dans leur milieu de travail, avec un taux de 3,8% dans le secteur privé, et 15.000 étudiantes sont également victimes de harcèlement dans les établissements d’enseignement.

D’un point de vue juridique, la présidente de l’Association Tahaddi pour l’Egalité et la Citoyenneté, met la lumière sur la loi 103.13 relative à la lutte contre la violence envers les femmes, mise en place pour protéger les femmes dans l’espace public, et notamment sur ses articles 503-1-1, qui prévoient «que toute personne qui a harcelé l’autre de manière persistante est considérée comme coupable de harcèlement sexuel, ce qui inclut le harcèlement «dans les espaces publics ou autres, par des agissements, des paroles, des gestes à caractère sexuel ou à des fins sexuelles».

D’autant plus que la loi prévoit que ces crimes sont punis d’un à six mois d’emprisonnement et/ou une amende de 2.000 à 10.000 dirhams. Les peines sont alourdies si l’auteur est un collègue de travail ou une personne en charge du maintien de l’ordre et de la sécurité des lieux publics ou autres ou quelqu’un qui a autorité ou tutelle sur la victime.

Bien qu’elle soit essentielle, l’interdiction législative du harcèlement sexuel n’est pas suffisante pour enrayer ce comportement. D’autres mesures doivent être adoptées qui peuvent être imposées par la loi, comme des politiques internes contre le harcèlement sexuel, des mécanismes de plainte, l’augmentation du nombre de travailleuses dans les domaines traditionnellement réservés aux hommes et des sessions de formation du personnel sur le harcèlement.

Par Asmae El Hnoud et Khalil Essalak
Le 18/09/2021 à 13h38