Espagne: pour 400 DH par jour, des travailleuses marocaines risquent le viol

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Revue de presseKiosque360. À l’approche de saison 2019 de cueillette des fraises et fruits rouges en Espagne, une saisonnière marocaine victime de viol présumé raconte son histoire.

Le 16/04/2019 à 21h50

La saison 2019 de cueillette des fruits rouges espagnols a débuté. Comme chaque année, nos voisins du Nord font appel aux saisonnières marocaines. Une fois encore, cette cueillette ne sera pas de tout repos. Abus sexuels, menaces et harcèlement planent sur les ouvrières marocaines après l’affaire de présumés abus sexuels sur des saisonnières il y a un an. 131 d’entre elles avaient porté plainte à Huelva. Plusieurs responsables et chefs d'équipe ont été mis en examen.

Le média britannique The Guardian, repris par le quotidien arabophone Al Massae dans sa livraison de ce mercredi 17 avril 2019, nous raconte le calvaire d’une des victimes présumées. Le journal anglais a préféré la nommer sous le pseudonyme de Samira Ahmad. En avril dernier, Samira Ahmad fait ses adieux à son fils et monte dans un bus, le laissant chez elle au Maroc pour se rendre dans les champs de fraises du sud de l'Espagne. Dans son sac se trouve son visa espagnol et un contrat qui promettait 40 euros par jour, plus nourriture et hébergement. Elle espère que l'argent, durement gagné, allait atténuer la douleur de cette séparation de trois mois.

Un an plus tard, la vie de Samira est complètement ruinée. Elle est démunie, divorcée et vit clandestinement depuis neuf mois. Elle vit avec neuf autres femmes marocaines qui, comme elle, affirment avoir été victimes de trafic d'êtres humains, d'agressions sexuelles et d'exploitation à la ferme où elles ont été embauchées, rapporte le journal.

L’ouvrière marocaine avoue avoir fait la plus grande erreur de sa vie. «Avant de quitter ma maison, j'étais comme une héroïne pour tout le monde. Personne dans mon village n'avait jamais eu la chance d'aller travailler dans un pays aussi développé que l’Espagne. Mais cela s'est avéré être la pire décision de ma vie», raconte-t-elle.

Ces dernières années, les médias marocains, espagnols et internationaux ont fait état de nombreux cas d'abus sexuels et physiques et d'exploitation à l'encontre de travailleuses saisonnières marocains. «Les Marocaines travaillant comme intérimaires sur le terrain nous ont décrit des conditions de travail pénibles, obligées de s’accroupir toute la journée, avec une seule pause de 30 minutes par jour sous une température de 40 degrés sous le plastique des serres», déclare Alicia Navascues, du groupe de défense des droits des femmes Mujeres 24. «Au Maroc, ils recherchent délibérément des personnes peu coûteuses et vulnérables pour faire ce travail, à savoir les femmes rurales ayant de jeunes enfants qui ne comprennent que l'arabe, ne peuvent pas comprendre leurs contrats écrits en espagnol ni faire valoir leurs droits. C'est un système truqué», rajoute-t-elle.

Samira explique qu'elle avait entendu les rumeurs sur ce qui était arrivé aux femmes qui se rendaient en Espagne «Mais je les ai ignorées», a-t-elle dit. «Je ne pensais pas que de telles histoires pouvaient être vraies dans un pays aussi riche».

Au cours des prochaines semaines, environ 20.000 Marocaines arriveront en Espagne pour récolter des fraises. Les femmes représentent un pourcentage important de la main-d'œuvre saisonnière en Andalousie, employée dans le cadre d'un système de visa de travailleur saisonnier mis en place par les gouvernements espagnol et marocain depuis 2001. Elles contribueront à la culture et à la récolte de 400.000 tonnes de fraises qui devraient être exportées cette année au Royaume-Uni, en France et en Allemagne.

Par Khalil Ibrahimi
Le 16/04/2019 à 21h50