La cavalière marocaine s'est mesurée le 7 mai dernier à des femmes jockeys venues du monde entier. "Je suis la seule femme jockey au Maroc à avoir gagné douze épreuves nationales. A chaque fois, je n'étais opposée qu'à des garçons", souligne-t-elle, fière de "participer à une course internationale". Dans la salle de pesage, c'est l'effervescence avant la course. Silhouette fluette, vêtue d'une casaque noire et verte, sa selle sur le bras, la jeune femme s'assied sur une chaise reliée à une balance sous le regard des commissaires.
Zineb el Briouil a commencé par pratiquer l'obstacle à l'âge de neuf ans. "Puis je suis passée aux courses", raconte-t-elle. "J'ai étudié trois ans à l'Institut national du cheval de Dar el Salam à Rabat, une année comme soigneuse et deux ans en tant que jockey". Zineb est issue d'une famille qui vit du cheval: c'est son père qui lui a mis le pied à l'étrier et qui continue à l'entraîner.
"La première fois qu'elle a essayé, ses jambes sont sorties des étriers, elle s'est énervée et a dit qu'elle refusait de continuer", se souvient Mbarak el Briouil. "Je lui ai dit: remonte, ça marchera demain. Si tu n'essaies pas encore, tu n'apprendras jamais. Tu dois monter, monter et encore monter pour apprendre."
Sous un soleil de plomb, les lads font tourner les chevaux nerveux dans le rond de présentation. Fehria, la jument grise que le tirage au sort a attribué à Zineb, porte le numéro 12. Alors que toutes les jockeys sont montées et rejoignent la piste, la jeune femme pressée par son père, court et se dépêche de se hisser sur son cheval.
Au Maroc, la filière équine est en plein essor depuis quelques années. En plus de la direction des haras nationaux, la SOREC -Société royale d'encouragement du cheval-, une société anonyme à capitaux publics sous la tutelle du ministère de l'Agriculture, s'intéresse à l'amélioration des races chevalines et à la formation des cavaliers, tout en gérant les courses du royaume.
Dans ce pays qui compte 277 jockeys pour près de 3.200 propriétaires de chevaux, et sept hippodromes où 2.400 courses sont organisées par an, le secteur représente 0,61% du PIB et 30.000 emplois.
Seules trois femmes jockeys ont à ce jour foulé les hippodromes du royaume. L'une d'elles, Bouchra Marmoul s'entraîne désormais en France. Zineb monte tous les jours, au moins une heure, et pratique d'autres sports comme la course à pied en appui de son entraînement.
"Quand je demande aux autres cavalières pourquoi elles ne veulent pas être jockey, elles me disent que c'est difficile. En plus, on ne voit que des garçons sur les champs de courses, les filles pensent qu'elles ne peuvent pas le faire", regrette Zineb. "Des filles pratiquent d'autres sports équestres, comme l'obstacle ou la tbourida (fantasia équestre)", souligne Briouil. "Mais le cheval de course est très difficile, il peut taper, mordre. (Ici) les entraîneurs ne veulent pas prendre le risque" d'un accident avec des femmes jockeys, dit-il. "Je le prends parce qu'il s'agit de ma fille et que je sais qu'elle peut le faire."
Zineb se classe en sixième position seulement avec la jument Fehria. Son père saisit celle-ci à la bride et la conduit hors du champ de course. La cavalière n'est que modérément déçue. "Je vais continuer à m'entraîner", sourit-elle. Mbarak el Briouil apprécie que le propriétaire pour lequel il travaille ait apporté un soutien, matériel et moral, à la carrière de sa fille dès le début. "Il faut maintenant un effort au niveau national, il y a huit courses par semaine au Maroc, réservons-en une pour les femmes!", plaide-t-il.
Mbarak el Briouil veut croire en l'avenir des courses au féminin: "elles sont seulement trois aujourd'hui, mais seront peut-être cinq demain, et en voyant cela, d'autres viendront".