Elles sont des centaines de femmes imams, en Algérie. 300 mourshidates, pour être plus précis, nommées par le ministère des Affaires religieuses. Et, depuis la guerre civile qui a dévasté leur pays en 1990, elles livrent une lutte sans merci à l’islamisme radical et à l’obscurantisme. Elles effectuent ainsi un précieux travail auprès des femmes qu’elles mettent en garde contre les faux prédicateurs, opposant au langage de la terreur celui d’un islam de paix et de générosité. Le travail de ces mourshidates est d’autant plus important aujourd’hui, en ces temps troubles et au vu des massacres perpétrés en Syrie, en Irak ou en Lybie par des organisations terroristes se revendiquant de l’islam, notamment la sanguinaire Daach.
«Tuer est un péché capital», confie à l’AFP une femme du nom de Fatma Zohra. «Alors comment est-ce que les gens peuvent tuer des innocents au nom de l'islam?», lance-t-elle. Une question que se posent aujourd’hui nombre de musulmans, première cible, d’ailleurs, dudit «Etat islamique».
Comme tous les imams, Fatma Zohra, détentrice d’un diplôme, est une récitante, à savoir qu’elle a assimilé le Coran par cœur dans son intégralité. Et ce qui lui a fait prendre la voie des études religieuses n’est ni plus ni moins que cette conscience qu’elle avait de l’urgence de réhabiliter une religion défigurée par les fondamentalistes qui, de religion de paix et de pardon, en ont fait une idéologie des plus assassines, causant ainsi la mort de 200.000 personnes dans les années 1990. Une fureur meurtrière en réponse à l’annulation des élections de 1991 où le Front islamique se profilait vainqueur.
Les mourshidates, dont la première a été nommée en 1993, n’ont pas le droit de guider la prière. Elles s’activent cependant à travailler avec les femmes dans les mosquées, les écoles, les centres de détention, les maisons de jeunes, les hôpitaux, se mettant à leur écoute, comme elles agissent dans des régions où les jeunes sont de plus en plus radicalisés, au grand désespoir de leurs parents, confie encore une Imam à Amal Belalloufi, la journaliste de l’AFP. Et d’appeler à la prudence en ajoutant: "Même si très peu d'Algériens ont rejoint les rangs du groupe Etat islamique, la vigilance est nécessaire parce que la radicalisation prend de nombreuses formes." Notamment, dira-t-elle, celle de pseudo-imams «qui ne savent rien des enseignements du Coran» qu’ils utilisent à des fins de propagande et d’endoctrinement.