Vidéo. Éducation nationale: face aux enseignants contractuels, les autorités haussent le ton

Manifestation dans la nuit du samedi 23 mars 2022 d'enseignants contractuels, à Rabat.

Manifestation dans la nuit du samedi 23 mars 2022 d'enseignants contractuels, à Rabat. . DR

Les enseignants contractuels maintiennent pression sur l’Etat, et ont de nouveau manifesté hier à Rabat. Ils ont tenu un campement non autorisé devant le Parlement, obligeant les autorités à les disperser par des canons à eau. Jusqu’où peuvent-ils aller? Eléments de réponses.

Le 24/03/2019 à 11h00

Ils ne désarment pas et quoi que le gouvernement leur ait proposé, ils refusent et veulent absolument être intégrés à la fonction publique. Pas moins de 50.000 enseignants contractuels ne cessent, depuis deux ans à présent, de protester contre leur statut, qu’ils avaient pourtant accepté de leur plein gré et dont ils avaient délibérément signé les clauses.

Hier encore, samedi 23 mars 2019, les images ont été impressionnantes: ces enseignants ont investi les rues de Rabat et tenu un campement non autorisé devant le Parlement. Si au début, la manifestation était pacifique, les autorités ont dû intervenir, munis de canons à eau, pour disperser l'attroupement, au bout de deux heures de négociations et après le refus catégorique de ces enseignants de lever le campement.

Ce n’est là, hier, qu’une énième démonstration d’une véritable guerre que mène cette catégorie d’enseignants contre le gouvernement. Tout a commencé en 2016, quand le gouvernement, pour pallier le manque en ressources humaines dans ce secteur, a opté pour des recrutements massifs sous forme de contrats. Si les mêmes salaires que pour le enseignants-fonctionnaires ont été proposés, un package social, notamment le droit à la retraite, n’a, quant à lui, pas été mentionné dans les clauses contractuelles initialement prévues.

C’est contre cette «descrimination» que ces enseignants contractuels protestent depuis deux années, selon une cadence qui ne cesse, depuis, de monter crescendo. 

Le gouvernement (via le département de tutelle) a eu beau accepter nombre de concessions et proposer des solutions, rien n’y a fait. Dernière concession en date, le changement complet du statut de ces enseignants, aujourd’hui cadres relevant des académies régionales de l’éducation et de la formation (AREF). Après l’amendement du statut des AREF, le système de recrutement par formule de contrat a été, depuis, supprimé.

On aurait pensé qu'avec cette réforme- véritable concession du gouvernement- rien ne justifiait désormais le maintien de ces grèves et de ces mouvements de protestations. Pourtant, les enseignants, désormais cadres des AREF, ont refusé toutes ces propositions, menant un véritable chantage contre l’Etat et prenant les élèves en otage. Le tout, dans un secteur déjà sinistré, où la qualité de l'enseignement se fait toujours attendre.

 

Ce rejet dont font preuve ces enseignants en dit également long sur le mal qu’ont certaines professions, hyper-syndiquées au demeurant, à passer d’une culture de rente et d’emplois à vie à celle de la (vraie) performance et de l’obligation de résultats, en s’accrochant aveuglement à un statut prétendument confortable, celui d'être intégré dans la fonction publique. Et la manipulation de certaines parties, faisant d’eux un cheval de Troie, complète la noirceur de ce tableau.

Le gouvernement, de son côté, après avoir démontré sa bonne foi, a décidé de rester ferme.

«Le recrutement régional, à travers les académies, constitue un choix stratégique, qui s’inscrit dans le cadre de l’instauration de la régionalisation avancée, de la mise en œuvre de la charte de la déconcentration administrative, du parachèvement de la justice territoriale, de la défense de l’école publique et des efforts visant à réunir les conditions de l’école de la réussite», a ainsi récemment indiqué le chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani.

Jeudi 21 mars, les Académies régionales de l’éducation et de la formation (AREF) ont posé un ultimatum aux «enseignants contractuels» grévistes: ils doivent rejoindre leurs salles de cours dans une semaine, ou la mise en œuvre effective de la procédure d’abandon de poste sera activée à leur encontre.

Au nom de la continuité du service public, le ministère de l’Education nationale a adressé des correspondances dans ce sens aux directeurs des AREF, leur demandant de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le bon déroulement des cours et recenser les absents. Cela explique peut-être le caractère spectaculaire de ce mouvement qui a eu lieu la nuit dernière, de samedi 23 à dimanche 24 mars. 

Cette situation est révélatrice de la détermination de ces enseignants à faire fi de leurs engagements contractuels, en dépit des concessions du gouvernement. En face, la détermination des autorités à ne pas laisser ces enseignants investir la rue et manifester dans un cadre hors-la-loi. Ce bras de fer entre des enseignants qui bravent leurs engagements contractuels et l’Etat qui veut maintenir l’ordre est emblématique d’une situation qui gangrène la compétitivité et la performance dans notre pays: la recherche à tout prix du statut de fonctionnaire pour s’assurer un salaire jusqu’à la mort. C’est contre la réputation de la fonction publique que l’Etat doit mener une véritable guerre. Si l’on veut éviter que d’autres légions de contractuels dans les départements de l’Etat ne sortent dans la rue pour exiger le statut de fonctionnaire, il faut que la fonction publique devienne un espace où l’exigence de rendement et d’assiduité soit du même ordre que dans le privé.

Par Tarik Qattab
Le 24/03/2019 à 11h00