Vidéo. Critique de la monarchie: la fuite en avant d'Abdelali Hamieddine

Abdelali Hamieddine.

Abdelali Hamieddine. . DR

Dirigeant au sein du Parti justice et développement, Abdelali Hamieddine a ouvertement critiqué la monarchie avant de se rétracter. Le PJD ouvre une enquête ce jeudi 12 juillet. Mea culpa ou fuite en avant? Décryptage.

Le 12/07/2018 à 13h54

Il se veut l'intellectuel du PJD et une de ses voix qui crient le plus fort. Membre dirigeant du parti islamiste, Abdelali Hamieddine est connu pour ses positions extrêmes, allant jusqu'à défendre ouvertement des suspects comme Taoufik Bouachrine, poursuivi notamment pour viols, violences et traite d'êtres humains. Sauf que l'aile qu'il représente au sein du parti, celle d'Abdelilah Benkirane, est en perte de vitesse, et que sa voix ne porte plus autant que par le passé. Quoi de mieux donc pour redorer son blason que de critiquer la monarchie, au nom de la démocratie. Une vieille parade qui s'est vite transformée en nouveau et retentissant ratage.

La scène se passe lors de la séance du "Dialogue interne" du PJD, tenue le 30 juin dernier. Heureux de retrouver pupitre et micro, et au lieu de regarder la crise que traverse sa formation, Hamieddine attaque un symbole fort de l'unité du pays. L'institution monarchique. Il estime que "sous sa forme actuelle, la monarchie constitue un frein au développement" et une entrave à une "démocratie réelle", qui serait la clef de voûte d'une croissance économique et sociale véritable. Le chantre du modèle turc se lance un drôle d'argumentaire, multipliant les (mauvais) exemples et osant la comparaison avec des pays comme la Corée du Sud.

Mal lui en a pris. La vidéo a "fuité". Où ça? Sur le site officiel du PJD. On regarde:

Ces propos ont soulevé, contre leur auteur, une tempête de critiques, y compris au sein de la formation à laquelle il appartient. D’autant que la monarchie, faisant l’unanimité des Marocains, est toujours au-dessus des calculs politiciens et loin de toutes les surenchères partisanes.

Dos au mur, est revenu, hier mercredi, avec une "mise au point" pour soi-disant "élucider" ses propos. Il n’a fait que s'enfoncer puisque non seulement il n’a pas fait son mea culpa, mais à travers une rocambolesque fuite en avant, il se définit, ainsi que son parti, comme des acteurs agissant "dans le cadre des constantes de la nation" et faisant dire au roi ce qu'il n'a pas dit. "Quand le souverain parle de réforme des institutions, cela entend également la monarchie", écrit-il. Hamieddine dit assumer sa position, mais à l'évidence, il n'assume rien. Étonnant!

Mais plus étonnante encore, la réaction du parti, exprimée ce jeudi 12 juillet. Un communiqué laconique a été diffusé ce jeudi 12 juillet sur le site du PJD. On y lit qu'une commission a été créée sous la supervision du secrétaire général (Saâd-Eddine El Othmani) et sous la direction de Driss El Azami Al Idrissi avec comme membres Nabil Chikhi, Mohamed El Hamdaoui et Rachid Lemdaouar "pour enquêter sur la diffusion par la site pjd.ma de certaines interventions de la Conférence nationale du dialogue interne, sans le consentement de la direction du parti". Autrement dit, ce ne sont pas les propos qui sont remis en question, mais leur diffusion. Par sa réaction, la direction du PJD fuit elle-même en avant.

«La sagesse exige que le PJD ouvre une enquête sur les propos contestés et contestables de son trublion et sur le non-respect par ce dernier de l’ordre du jour de la Conférence nationale du dialogue interne, conférence censée aborder les problèmes internes de cette formation politique en proie à des luttes intestines», souligne un observateur.

A la sagesse, certains préfèrent adopter une posture d'opposition d'un autre âge. Hamieddine surfe sur la vague, en voulant désespérément faire des vagues. Lui qui est encore sous poursuite judiciaire pour...assassinat. Le 25 février 1993, près de la faculté de droit Dhar Mehraz de Fès, un groupe d’étudiants islamistes, dont il fit fait partie, a roué de coups deux gauchistes. L'un d'eux, Benaïssa Aït El Jid, est mort et l'autre fut grièvement blessé.

Par Khalid Mesfioui
Le 12/07/2018 à 13h54