Le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Ahmed Bouri, s’est retrouvé sous le feu de critiques inattendues, lundi soir, lors de la séance de contrôle des ministres à la Chambre des représentants. «Plusieurs députés se sont interrogés sur la destination réelle des 3 milliards de dirhams alloués au soutien des éleveurs, dont certains affirment avoir été exclus des listes des bénéficiaires, tandis que ceux qui ont reçu l’aide estiment qu’elle demeure insuffisante», rapporte le quotidien Assabah dans son édition du jeudi 20 novembre.
Le député istiqlalien Mustapha El Kassimi a accusé le ministre de privilégier les grands agriculteurs et éleveurs au détriment des petits et moyens. Selon lui, «le petit éleveur travaille désormais au profit du grand, tandis que les exploitations moyennes sont en soins intensifs», en raison d’un marché chaotique des engrais, du fourrage et de l’aliment composé». Il a cité l’exemple du prix du sac de 40 kilos de son, devenu plus cher qu’un sac de farine, tout en s’interrogeant sur la réalité du soutien annoncé par le ministère. Il a également évoqué la démission collective des membres de la Chambre agricole de Casablanca-Settat, qui dénoncent, selon lui, l’absence de respect des engagements de la tutelle en matière d’aides.
Dans la même veine, le député istiqlalien Saïd Tedlaoui a reproché au ministère l’absence de contrôle et la prise de décisions sans consultation préalable avec les professionnels, notamment les Chambres agricoles. Il a affirmé que l’éleveur qui est censé avoir bénéficié d’un appui dépense en réalité davantage pour maintenir son cheptel, parfois en l’espace de 25 jours seulement, avant même la fin du mois. Selon lui, l’aide restante, estimée à 15 dirhams, ne couvre même pas les frais de médicaments ou de vaccination, ces derniers étant devenus source de spéculation en raison de l’absence de tarification claire et de l’augmentation des coûts.
Son collègue du même parti, Hicham Amine Chafik, est allé plus loin en accusant directement le ministre d’avoir mis en péril le cheptel national. Il lui a lancé à plusieurs reprises: «Vous n’avez protégé ni le cheptel, ni les prix», soulignant que cette situation explique les difficultés actuelles des éleveurs. Il a également remis en cause la rapidité avec laquelle le ministère affirme avoir reconstitué le cheptel en cinq mois, alors que les prix de la viande continuent de grimper et que les agriculteurs attendent toujours les aides directes pour l’orge et l’aliment composé. Le parlementaire a évoqué des contradictions entre les premiers et seconds chiffres d’inventaire, qu’il juge révélatrices d’un pilotage improvisé.
Pour sa part, Houcine Rahouya, du groupe constitutionnel démocratique social, a sévèrement critiqué la politique agricole du ministre. Il estime que les aides annoncées sont «très faibles» et que la rareté de l’orge et du fourrage a provoqué une flambée des prix et une ruée sur les stocks, permettant à certains distributeurs de profiter de la situation pour générer des bénéfices aux dépens des éleveurs.
«Face à ce tir groupé, le ministre Ahmed Bouri a rejeté en bloc les accusations, affirmant qu’il est essentiel de distinguer entre les aides destinées aux éleveurs et celles destinées aux professionnels du secteur», écrit Assabah. Il a assuré que les petits éleveurs n’ont nullement été exclus, puisqu’ils représentent, selon lui, 90% des bénéficiaires, ayant reçu trois milliards de dirhams en seulement quinze jours.
Le ministre a ajouté que ses services veillent à un contrôle strict de la distribution afin de garantir que l’aide parvienne réellement à ceux qui en ont besoin. Depuis le 5 novembre, a-t-il précisé, 714 000 éleveurs ont été soutenus, soit 73% de l’ensemble des bénéficiaires recensés. La première tranche d’aides couvre l’acquisition de fourrage et inclut également une avance sur la prime destinée à la préservation des femelles ovines et caprines, fixée à 100 dirhams par tête.








