Sahara. Russie. Prémices d'un changement de perception du conflit

Accueil royal pour Mohammed VI de la part du président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, lors de la visite historique du souverain le 15 mars 2016 à Moscou.

Accueil royal pour Mohammed VI de la part du président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, lors de la visite historique du souverain le 15 mars 2016 à Moscou. . DR

Dans une interview au site d’information russe «Sputnik», l’ambassadeur de Moscou à Rabat, Valerian Shuvaev, admet qu’«il y a plusieurs acteurs impliqués dans le conflit» créé autour du Sahara, ce qui revient à attribuer au conflit sa véritable dimension régionale avec Alger en tant que "partie".

Le 13/12/2018 à 11h50

S’agit-il d’un changement de tonalité russe concernant le conflit créé autour du Sahara? La sortie de l’ambassadeur de Moscou à Rabat dans une interview accordée au très officiel site d'information russe «Sputnik» en a annoncé en tout cas la couleur. «Il y a plusieurs acteurs impliqués dans ce conflit», reconnaît Valerian Shuvaev.

Le diplomate russe admet ainsi de facto la dimension régionale de ce conflit plus que quarantenaire autour du Sahara, après que le curseur ait toujours été placé du côté du Maroc et du front séparatiste du Polisario, qui n’est toutefois qu’un instrument pour Alger pour tenter d’asseoir une hégémonie régionale factice au détriment des intérêts suprêmes de son voisin de l’ouest, le Maroc, à leur tête l’intégrité territoriale du royaume.

La sortie très édifiante du diplomate russe s’inscrit ainsi sur le mode de la rupture avec une perception qui était largement partagée, à tort d’ailleurs, selon laquelle les protagonistes du conflit seraient le Maroc et le front séparatiste du Polisario, alors qu’Alger, et accessoirement la Mauritanie, était confinée dans le faux rôle d'observateur et donc de spectateur, même si son rôle dans la genèse et le maintien de ce conflit est autrement plus grave.

Ce paramètre, nouveau mais ô combien décisif pour le règlement de ce différend régional, s’inscrit en droite ligne de la nouvelle démarche de l’ONU et, de ce fait, du Conseil de sécurité, dont les dernières résolutions, notamment la toute récente 2440, adoptée fin octobre dernier, pointe de manière qui ne laisse point de place au doute la responsabilité avérée d’Alger dans ce contentieux régional, en lui demandant de «s’impliquer pleinement» dans le nouveau processus initié par l’Envoyé personnel du SG de l’ONU, Horst Köhler, et dont les jalons ont été posés à Genève, lors des pourparlers des 5 et 6 décembre derniers, les premiers en leur genre depuis la mise à l’arrêt des négociations en mars 2012, avec la participation effective d’Alger, via son ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel.

La question du Sahara devrait être résolue dans le cadre des résolutions de l’ONU, a exhorté l’ambassadeur russe. «Nous partons du fait que cette question [du Sahara occidental, ndlr] doit être résolue sous les auspices des Nations unies, d'autant plus que son Conseil [de sécurité, ndlr] est habilité à résoudre ce genre de problèmes et que des résolutions sont prévues à cet effet», a déclaré Valerian Shuvaev.

Et d’ajouter: «La Russie se tient à égale distance des quatre pays concernés par le conflit du Sahara occidental et entretient avec eux des relations profondes d’amitié».

Une équidistance que la Russie n’assumerait pourtant pas tout à fait. Son abstention de voter pour la résolution 2440, fin octobre dernier, met en évidence sa sensibilité indéniable aux intérêts de son allié historique, qui plus est l’un des plus gros clients de l’armement russe, l’Algérie. Cette abstention serait motivée par la charge sonnée par cette résolution contre Alger, appelée désormais à faire partie du tour de table pour contribuer au règlement du conflit, via une solution de compromis, basée sur le réalisme, balayant ainsi définitivement la thèse algéro-séparatiste prônant «le référendum d’autodétermination», «impraticable», de l’aveu même de l’ONU.

C'est à la lumière de cette nouvelle perception internationale du conflit que se place en effet la sortie de l'ambassadeur de Russie au Maroc. Autant que celle de Pékin d'ailleurs, qui a surpris plus d'un en votant, fin octobre dernier, en faveur de la résolution 2440. Une résolution qui traduit concrètement cette nouvelle perception cruciale pour le règlement d'un conflit qui n'a que trop duré.

Par M'Hamed Hamrouch
Le 13/12/2018 à 11h50