Une nouvelle orientation plus ou moins clairement exprimée par deux pays occidentaux, et non des moindres, pulvérise définitivement le socle «juridique» sur lequel repose le soutien algérien aux séparatistes du Polisario, et qui voudrait que le dossier du Sahara relèverait encore d’un prétendu processus de «décolonisation».
Pas de nouvel Etat en Afrique, estime Washington, alors que Madrid, ancienne puissance coloniale au Sahara, appelle la Mauritanie et le Maroc à sécuriser militairement leurs frontières communes face aux incursions du Polisario. Le tournant est sans équivoque.
Lire aussi : The Wall Street Journal. Sahara: pour les États-Unis, l'indépendance n’est pas une option
En avril dernier, alors qu’il était à son dernier trimestre au pouvoir, l’ex-président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, dont le pays est impliqué par l’ONU dans les discussions visant à résoudre le conflit créé autour du Sahara marocain, discussions sur lesquelles il en connaît un bout, avait glissé une «confidence» au journaliste palestinien, Abdel Bari Attwane. Selon lui, l’Algérie et le Polisario sont en train de prêcher dans le désert, puisque les pays occidentaux ne veulent tout simplement pas d’un Etat entre le Maroc et la Mauritanie. Une confidence que certains faits récents viennent de corroborer.
Le 1er août courant, jour de l’investiture du nouveau président mauritanien, Mohamed ould Cheikh El Ghazouani, le royaume d’Espagne a dépêche son ministre des Affaires étrangères, de l'Union européenne et de la coopération, Josep Borrell, à la tête d’une imposante délégation espagnole.
Après la cérémonie du passage de témoin entre les deux présidents mauritaniens, le ministre espagnol a été reçu en tête à tête par Ghazouani. Il lui «a souligné l’importance que l’Espagne attache à ses relations avec la Mauritanie, un pays ami et un partenaire clé de la région stratégique du Maghreb avec lequel nous entretenons de forts liens humains, culturels et historiques, et qui constitue un modèle de stabilité dans la région», selon les termes d’un communiqué du ministère espagnol des Affaires étrangères.
En effet, en plus d’importants intérêts économiques (pêche maritime surtout), l’Espagne dispose à Nouadhibou (au nord-ouest du pays) d’un imposant dispositif de sécurité composé d’éléments de la Guardia civil et de l'Équipe de coopération Internationale (ECI) conjointe de la police nationale, un poste avancé chargé d’empêcher les flux de migrants clandestins de rejoindre illégalement les Iles Canaries à partir du couloir Atlantique longeant la Mauritanie. Des patrouilles maritimes mixtes, avec les garde-côtes mauritaniens, soutenues par des missions de reconnaissance aériennes, ont permis de quasiment fermer cette voie d’accès à l’Europe. D’ailleurs, Josep Borell a rendu visite aux forces espagnoles présentes à Nouadhibou depuis maintenant dix ans, devant lesquelles il «a salué la coopération exemplaire entre les deux pays en matière de migration et de sécurité».
Lire aussi : 20 ans de règne. EP12. Sahara: le développement contre l'immobilisme
C’est justement ce souci sécuritaire qui a poussé le chef de la diplomatie espagnole à sonner le tocsin pour mettre le holà aux obstructions que le Polisario mène sporadiquement dans les parages du passage d’El Guerguerat. Surtout que la petite portion de la côte Atlantique incluse dans la zone tampon peut servir de point de départ vers l’Europe pour des migrants clandestins, des trafiquants de drogue ou des terroristes. Il a été soutenu dans cette démarche par un autre haut diplomate espagnol, Angel Losada, le représentant spécial de l'Union européenne auprès du G5 Sahel, lui aussi reçu au palais présidentiel par Ghazouani, auquel il a exprimé les mêmes inquiétudes et la nécessité d’y faire face.
Il faut ajouter qu’en plus des préoccupations sécuritaires, les intérêts économiques de l’Union européenne sont également en jeu car de nombreux camions frigorifiques espagnols (chargés de poisson) partant de Nouadhibou, et de marchandises venant d’Europe empruntent régulièrement cette voie terrestre reliant le Maroc à la Mauritanie. Pour l’Espagne, il s’agit donc bien d’une frontière marocco-mauritanienne, puisqu’elle exige désormais que ces deux pays voisins prennent leurs responsabilités en mettant sur pied une force commune qui aura pour mission de sécuriser l’important trafic routier de marchandises entre l’Union européenne, le Maroc et le continent africain.
Pour sa part, et sur la foi d’un récent reportage au Sahara marocain réalisé par le quotidien new-yorkais The Wall Street Journal, et publié dimanche dernier, l’administration américaine aurait toujours soutenu, en privé du moins, la marocanité du Sahara. En effet, pour les Etats-Unis, l’option indépendantiste comme solution au conflit saharien est écartée, même si John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, «met le poids de la Maison-Blanche derrière un plan litigieux pour résoudre le conflit du Sahara occidental en serrant la vis aux Nations Unies et en essayant de forcer les parties rivales à conclure un accord», écrit The Wall Street Journal. Et de conclure que les hauts responsables américains ont toujours et «clairement fait savoir que Washington ne soutiendrait pas un plan visant à créer un nouvel Etat en Afrique».