Pour faire une lecture objective du contenu du rapport sur le Sahara que vient de présenter Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA, au 31e sommet de l’organisation panafricaine, il faut surtout se demander qui, du Maroc ou de l’Algérie, y a marqué le plus de points favorables. C’est en examinant les axes les plus importants déclinés par ce rapport que l’on peut réellement faire la part des choses.
Le premier enjeu essentiel qui planait, avant la publication du Rapport Faki, était celui de savoir si l’Union africaine allait décider ou non de s’autosaisir de la gestion du dossier relatif au conflit du Sahara. En réponse à cette exigence algérienne, qui avait déjà doté l’UA d’un envoyé spécial au Sahara, le rapport Faki a eu le mérite de ne pas faire porter à l’UA un habit beaucoup plus large pour elle, et qui risque ainsi d’entraver sa marche, déjà semée de nombreuses embûches.
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Finalement, il a été décidé que l’Union africaine laisse la priorité, et l’exclusivité de la gestion de ce dossier, au Conseil de sécurité de l’ONU, tout en soutenant ses efforts et en lui proposant sa collaboration éventuelle. Le Maroc n’en demandait pas plus, tant que l’UA, contrairement à l’ONU, a déjà commis l’impair d’admettre en son sein la «RASD».
Pour l’Agence de presse algérienne (APS), et malgré ce coup dur asséné à la diplomatie de son pays par le nouveau rapport, il «satisfait la RASD» ou «reflète fidèlement la position de la RASD» puisque le rapport sur le Sahara, écrit-elle, stipule que l’Union africaine «doit jouer un rôle important, de concert avec les Nations unies». Fin de citation? Non, puisque l’APS sort une autre phrase de son contexte pour la recoller à celle-ci afin d’insinuer que l’UA soutient «un référendum visant l’autodétermination du peuple sahraoui». Or, Faki a présenté ce paragraphe, non pas comme une position de l’UA, mais en rapportant fidèlement ce que lui a dit le Polisario lors de son passage récent à Tindouf.
De même, dans ses recommandations pour la résolution du conflit du Sahara, le rapport Faki, sans le dire expressément, a mis définitivement fin à l’idée d’un envoyé spécial de l’UA au Sahara, en justifiant cette décision non seulement par l’intransigeance du Maroc sur ce point, mais aussi par la nécessité de ne pas empiéter sur le processus onusien. Mais comme pour donner des motifs de satisfaction à Alger, l’ancien Premier ministre et chef de la diplomatie tchadienne, préconise un «mécanisme africain à même de permettre à l’UA d’apporter un appui efficace» à l’ONU. Ce mécanisme de soutien serait soit sous la forme d’une troïka africaine (futur, actuel et précédent présidents de l’UA), un Comité ad hoc de cinq chefs d’Etat africains, ou une délégation africaine où on retrouve le président en exercice de l’UA et celui de la Commission de l’UA et qui rendrait des visites régulières de médiation chez les parties concernées. Exit donc le Conseil paix et sécurité, cheval de Troie de l’Algérie au sein de l’UA, qui comptait jouer un rôle de premier plan dans le dossier du Sahara, au cas où l’organisation panafricaine s’en saisirait.
L’autre point essentiel concerne la demande faite «aux deux parties de reprendre, sans délai, de bonne foi et sans conditions préalables, les négociations directes, pour parvenir à une solution politique juste durable et mutuellement acceptable qui pourvoie à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental». Dans son paragraphe 21b, l’UA est tout simplement dans le flou artistique, puisqu’elle met côte à côte deux positions diamétralement opposées, voire inconciliables, même si elle ne parle nullement d’un référendum. Mais étant donné que le mot autodétermination est là, et que l'Algérie n'est pas citée en tant qu'interlocuteur du Maroc, L'APS la juge satisfaisante pour le Polisario.
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Sur ce point, le Maroc est certes favorable à des négociations visant à aboutir à une solution juste et mutuellement acceptable. Il n’en demeure pas moins que ces négociations doivent se faire avec le premier concerné et créateur de ce dossier, à savoir l’Algérie. Cette position a également été rapportée par le rapport Faki comme étant une condition qui lui a été posée par le Maroc lors de ses consultations à Rabat, en juin dernier.
In fine, la copie de Moussa Faki constitue une nette rupture avec les précédents rapports sur le Sahara qui se confectionnaient dans l’instance africaine en l’absence du Maroc. La réintégration du Royaume à l’UA a pesé dans le sens des intérêts de Rabat, portant la Commission de l’Union africaine à adopter une position beaucoup plus équilibrée sur le conflit du Sahara.
Pour sa part, le Conseil de sécurité de l’ONU tirera de ce rapport les conclusions qui s’imposent. La principale étant que le Maroc et l’Union africaine lui font entièrement confiance pour piloter le processus de résolution de ce conflit, contrairement à l’Algérie et le Polisario qui voulaient faire entrer l’UA dans l’arène.