Quand l’ex-patron de l’espionnage français conteste la Légion d’honneur à Hammouchi

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Selon l’ex-DG de la DGSE, Bernard Bajolet, Abdellatif Hammouchi n’aurait pas mérité la Légion d’honneur attribuée par la France au patron du contre-espionnage marocain, dont l’excellent travail qu'il a accompli est toutefois reconnu à l’international. Révélations.

Le 25/09/2018 à 16h12

Une sortie pour le moins incongrue. Celle que vient de commettre Bernard Bajolet, ex-patron de la DGSE française (2013-2017), dans un livre, intitulé «Le soleil ne se lève plus à l’est», publié aux éditions Plon, à l’encontre du patron du pôle sécuritaire DGSN-DGST, Abdellatif Hammouchi.

Après une tirade sur le sombre épisode du 20 février 2014, quand des policiers français se sont présentés à la résidence de l’ambassadeur du Maroc en France pour porter une convocation de la justice française visant le patron du contre-espionnage marocain, Bernard Bajolet, qui a qualifié de «maladresse» cette décision judiciaire, à l’origine d’une longue brouille entre Rabat et Paris, conteste toutefois le bien-fondé de l’octroi de la Légion d’honneur à Abdellatif Hammouchi.

«L’affaire (la brouille France-Maroc, Ndlr) ne s’apaiserait qu’après une visite à Rabat, en février 2015, du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Celui-ci s’en tirerait avec une Légion d’honneur, que le récipiendaire n’avait rien fait pour mériter et que personne ne voulait lui remettre. Pendant cette période, la coopération entre les deux pays en matière de lutte contre le terrorisme avait été suspendue, de façon unilatérale, par le Maroc», croit savoir l’ex-patron de la DGSE.

Vous avez bien lu: «une Légion d’honneur, que le récipiendaire n’avait rien fait pour mériter»! D’abord, il convient de rappeler que le patron du contre-espionnage marocain n’a pas demandé à la France de lui octroyer la Légion d’honneur. Il a des occupations autrement plus graves que de chercher à collecter des médailles. Ensuite, Abdellatif Hammouchi a pour mission de veiller sur la sécurité intérieure du Maroc. Son homologue français n’est pas en charge de la DGSE (service français d’espionnage à l’extérieur), mais de la sécurité sur le territoire français: la DGSI. Or un épisode particulier montre à quel point la collaboration est efficace entre la DGST marocaine et la DGSI française.

Rappelons-nous des attentats terribles qui ont frappé la France cette nuit du 13 novembre 2015. Le chef de file de ces attentats, qui ont fait 129 morts et 300 blessés, est Abdelhamid Abaaoud. C’est l’homme le plus recherché en France, et pour cause: il était toujours en cavale et menaçait de perpétrer d’autres attentats. Sur la base d’un renseignement fourni par les services de Abdellatif Hammouchi, comprenant le numéro de téléphone, les coordonnées électroniques et le portrait photographique de Hasna Ait Boulahcen, cousine d’Abdelhamid Abaaoud, la DGSI a pu remonter jusqu’à l’appartenant de Saint-Denis où se cachaient Abaaoud et ses complices. On connaît la suite: un assaut est lancé le 18 novembre. Il s’est soldé par la neutralisation des terroristes.

Aussitôt cet assaut terminé, Patrick Calvar, patron de la DGSI à cette époque, a appelé à l’aube son homologue marocain, Abdellatif Hammouchi pour lui dire en substance: «mille mercis, tu as sauvé la France!», a appris le360 de sources sûres. Bernard Bajolet penserait-il donc qu’un homme qui a évité un autre carnage à la France ne mériterait pas la Légion d’honneur?

Il est étonnant d’ailleurs que l’ancien patron de la DGSE ne fasse aucune allusion, dans son livre, au rôle des services marocains dans la neutralisation du commando qui avait trouvé refuge dans cet appartement de Saint-Denis. Ce rôle avait pourtant été reconnu par François Hollande, alors président de la république française: il avait salué, dans un communiqué à l’issue d’un entretien avec le roi Mohammed VI, le 20 novembre 2015 à l’Elysée, «l’assistance efficace apportée par le Maroc» à la suite des attentats de Paris.

Quelle mouche a donc piqué l’ex-patron de la DGSE?Le propos de l’ex-patron de la DGSE ne s’est à l’évidence basé sur aucune donnée objective. A-t-il donc un compte personnel à régler avec Abdellatif Hammouchi? De quel droit se permet-il de juger un haut responsable marocain? De source sûre, nous avons appris qu’après l’incident de la résidence de l’ambassadeur du Maroc en France, Bernard Bajolet avait cherché à rencontrer Abdellatif Hammouchi qui lui avait opposé une fin de non-recevoir.

Visiblement, Bernard Bajolet digère mal le caractère souverain et déterminé avec lequel le Royaume du Maroc a fait face à la convocation, au mépris de tous les us diplomatiques, de l’un de ses hauts responsables. Il fait partie de cette arrière-garde de la France qui n’a pas réussi à digérer sa déconvenue, mais qui a fini par comprendre, à travers cette affaire, qu’il existe un Maroc des braves qui l’obligent à courber l’échine.

Quant au rôle des services marocains dans leur lutte contre le terrorisme et leur collaboration avec des pays étrangers, celui-ci fait souvent l’objet de louanges de très nombreux pays européens, africains, américains et asiatiques. En sa qualité d’ancien chef des services français d’espionnage, Bernard Bajolet devrait pourtant bien le savoir.

Par M'Hamed Hamrouch
Le 25/09/2018 à 16h12