Rebondissement judiciaire spectaculaire dans le cadre de la plainte pour génocide déposée en 2012 contre Brahim Ghali, par l'Association sahraouie de défense des droits de l'homme (ASADEH), basée à Barcelone. Le magistrat de l'Audience nationale, José de la Mata, a en effet émis un mandat de ramener à l'encontre du chef du Polisario, qui avait l'intention de se rendre ce jeudi à Barcelone pour participer, pendant le week-end, à une conférence de soutien à la "cause sahraouie".
Les avocats de l’ASADEH se sont donc mobilisés pour que le magistrat ressorte leur plainte de ses tiroirs. Le juge a demandé, avant de prendre cette décision, un rapport à la police espagnole pour s'assurer de la présence en Espagne de Ghali du 17 au 19 novembre, en vue d'assister à ladite conférence.
De quoi les crimes de Brahim Ghali sont-ils le nom? Dahi Aguay, président de l'Association sahraouie des portés disparus du Polisario, en sait quelque chose. "En 1974, Brahim Ghali, alors bras droit de El Ouali Mustapha Sayed, a procédé à mon arrestation à Tindouf, aux côtés d'Ahmed El Khar, Hassanah Lamdaghri, Abdellah Zoubeir et Bachir Dkhil. Nous avons été ligotés et torturés avant d'être conduits, les yeux bandés, vers Rabouni où j'ai vu de mes propres yeux la liquidation physique du dénommé Souri", témoigne Dahi Aguay à Le360, affirmant avoir perdu deux de ses oncles qui ont succombé à leurs blessures suite à des actes de torture.... sous la supervision directe de Brahim Ghali.
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Dahi Aguay, qui a purgé huit ans de réclusion dans la prison de sinistre réputation "Errachid" à Tindouf, affirme ne devoir son salut qu'à la Providence, alors que bien d'autres prisonniers n'ont pu échapper à la poigne de fer de Brahim Ghali, nommé "ministre de la défense" (de 1976 à 1991) en récompense de ses talents de tortionnaire. Un long mandat ponctué de plusieurs actes qui sont des "crimes de guerre" selon Dahi Aguay.
Crimes de Ghali, le combat inlassable des victimesDahi Aguay rappelle par ailleurs avoir déposé plainte en 2007 à l'encontre de Brahim Ghali pour disparitions forcées de 72 sahraouis. "Cette initiative est le couronnement d'un processus juridique long et patient engagé en 1978. Cette année, nous avons saisi Amnesty international au sujet des personnes portées disparues dans les prisons secrètes du Polisario. Nous avons présenté à AI une liste des noms des disparus. La direction du Polisario sera saisie immédiatement par Amnesty sur le cas des disparus sahraouis, mais le régime séparatiste a fait vite de démentir. En même temps, ce régime avait ouvert des négociations avec les personnes détenues dans ses prisons secrètes qui ont abouti à l'élargissement de certains d'entre elles. Je fais moi-même partie des Sahraouis libérés du bagne de sinistre mémoire Errachid, en 1980". "Suite à ma libération, ils m'avaient conduit dans l'école «12 octobre» située dans les environs du camp «Rabouni», où je fus assigné à résidence, à la défaveur de mes proches qui sont restés incarcérés".
Et d'ajouter: "Quand j'ai été assigné à résidence, ma famille n'avait aucun moyen de savoir où j'étais. Elle ne savait pas si j'étais vivant ou mort. Ma famille était dans l'impossibilité de faire le deuil. L'incertitude sur mon sort peut être aussi considérée comme une forme de torture psychologique élargie à toute ma famille".
Amnesty International entre en ligne...Or voilà, "la direction du Polisario finira par mettre fin à cette situation", poursuit Dahi Aguay. "J'ai été autorisé à faire un déplacement en Espagne, où j'ai pris contact avec les responsables de plusieurs mairies, dont notamment Erminio Trigo, maire de la ville de Cordoue. C'est le départ d'une grande bataille sur le dossier des Sahraouis disparus. J'ai pris contact avec Amnesty, pour attirer son attention sur les autres Sahraouis détenus toujours dans les prisons secrètes du Polisario".
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"C'est alors que cette organisation saisit Alger pour lui demander de présenter à la justice les dirigeants du Polisario impliqués dans les disparitions forcées et les tortures, en lui rappelant qu'Alger était signataire de la Convention de Genève sur les droits de l'homme. Parallèlement, j'ai entrepris en tant que président de l'Association des portés disparus sahraouis plusieurs démarches auprès des responsables espagnols, dont Miguel Angel Moratinos, alors ministre des Affaires étrangères, le tout couronné par le recours à la justice pour réclamer le jugement des responsables du Polisario et de l'Algérie qui ne peuvent plus circuler librement en Europe". "La plainte, déposée en 2007 auprès de l'Audience nationale espagnole par des Sahraouis marocains nés sous l'occupation espagnole, est donc le résultat d'un long processus de militantisme", conclut Dahi Aguay, précisant que le chemin reste long à parcourir pour obtenir gain de cause pour les victimes et leurs familles.
Quand Ghali voulait se soustraire à la justiceAprès avoir officié en tant que "ministre de la défense" de 1976 à 1991, Brahim Ghali a troqué son uniforme contre le costume de "diplomate". En 1991, il a été nommé "représentant du Polisario en Espagne" où «la cause sahraouie» bénéficie de nombreux soutiens. Mais voilà, cela n'a pas dissuadé ses victimes, organisées dans le cadre de l'ASSADEH, de poursuivre leur combat. En 2007, une plainte pour génocide est déposée à son encontre auprès de l'Audience nationale, plus haute juridiction en Espagne. C'est alors que le tortionnaire Ghali, grâce à l'appui des services algériens, est ramené à Alger, où il est nommé "ambassadeur du polisario en Algérie"! Une tentative pour le faire soustraire à une arrestation et une comparution devant la justice espagnole, qui avait accepté d'instruire la plainte de l'Assadeh.
Plainte contre Ghali, coup dur pour le PolisarioLa mise en examen de Ghali porte un coup dur à l'image du Polisario au moment où il livre plusieurs batailles judiciaires pour obtenir, notamment, que le Sahara occidental soit exclu des accords entre l'Union européenne et le Maroc", reconnaît le site d'information "Tout sur l'Algérie". "Le préjudice est spécialement grave dans un pays comme l’Espagne ou l’opinion publique est acquise à la cause sahraouie et d’où partent de nombreuses aides, publiques et privées, destinées aux réfugiés dans les camps de Tindouf", relève la même source.
Cela dit, surgit la question: que risque-t-il d'advenir de Brahim Ghali au cas où il ne se présenterait pas au bureau du magistrat espagnol? Selon un juriste contacté par Le360, "il se pourrait que l'Audience nationale espagnole lance un mandat d'arrêt international contre lui". Autrement, il ne pourra pas se rendre dans de nombreux pays, notamment en Europe où le Polisario est bien implanté.