Un haut responsable au ministère français de la Justice a reçu, ce mardi 4 septembre à Paris, le magistrat de liaison marocain avec la France, apprend le360 de sources sûres. Objet de la rencontre: présenter des excuses quant à l’envoi par la juge d’instruction, Aïda Traoré, vice-présidente chargée de l'instruction au Tribunal de grande instance de Paris (TGI), d'une série de convocations à l'adresse de médias marocains, dont le360 qui en a reçu quatre. Les lettres de convocation adressées par la juge d’instruction française aux journalistes marocains, au motif «d’envisager leur mise en examen», se fondent sur des plaintes déposées par le capitaine défroqué, Mustapha Adib. La date de comparution des journalistes marocains au TGI de Paris a été fixée au 12 octobre 2018.
Nos sources ajoutent que la Garde des Sceaux et ministre française de la Justice, Nicole Belloubet, va s'entretenir demain mercredi avec son homologue marocain, Mohammed Aujjar, sur ce sujet. En attendant, le360 et d’autres supports sont convoqués à Paris par un juge d’instruction français pour des articles publiés dans des médias dont le siège se trouve au Maroc, et qui relèvent du droit marocain.
Un juge d’instruction français peut-il convoquer des journalistes disposant d’une carte de presse, délivrée par le ministère marocain de la Communication, travaillant dans des médias établis au Maroc et relevant du droit marocain? Au nom de quelle compétence un juge français peut-il demander à plusieurs journalistes marocains de prendre un avion d’une ville marocaine et de se présenter à la date et à l’heure précisées par ce juge dans un tribunal qui se trouve… à Paris? Il semblerait que les plaintes de l’ancien capitaine Adib ont été jugées recevables par la juge d’instruction française Aïda Traoré suivant le principe voulant qu’un site comme le360 est consultable en France, édite en langue française et touche une audience établie en France.
Quid alors du principe de réciprocité? Imaginons un seul instant qu’un citoyen marocain décide de déposer plainte pour diffamation devant un tribunal marocain contre les sites de journaux français à grande audience au Maroc, comme Le Figaro ou Le Monde, au motif que les versions électroniques de ces journaux sont accessibles au Maroc, intéressent les Marocains et sont mêmes truffées d’insertions publicitaires d’entreprises marocaines. Il va essuyer un rire bien gras en France et sa démarche sera apparentée à celle d’un fou ou d’une personne à la recherche du buzz. En tout état de cause, aucune crédibilité ne lui sera accordée. Et pourquoi dans le sens Nord-Sud cette démarche ne fait pas rire un juge français?
On ne va pas en appeler à la souveraineté du Maroc et fustiger les relents protectionnistes, condescendants de celles et ceux qui ne semblent pas avoir fait le deuil des anciens protectorats et colonies français. D’ailleurs, tous les journalistes de le360 convoqués par un tribunal en France sont nés bien après l’indépendance du Maroc. La langue française qu’ils utilisent au quotidien dans leur travail, ils ont même oublié qu’il s’agit d’un «butin de guerre», selon la belle expression du poète algérien Kateb Yacine. Alors de grâce, Mme la juge d’instruction, ne réveillez pas de vieux démons et ne poussez pas ceux qui se considèrent comme francophones à porter un regard de suspicion sur la France qui ne devrait pas se considérer comme le garde-chiourme de la francophonie.