L'éclairage de Adnan Debbarh. Le nécessaire renouveau des partis politiques

Adnan Debbarh.

Adnan Debbarh. . khalil Essalak / Le360

Les partis politiques, dont la solidité et la vitalité sont essentielles à la stabilité de tout système démocratique, connaissent un déclin. Constat partagé par l’ensemble des acteurs et analystes politiques au Maroc. Malgré moult encouragements la courbe ne se redresse pas. Quelques explications.

Le 22/07/2022 à 16h31

La Constitution de 2011 au Maroc accorde un rôle important aux partis politiques, elle en fait un des piliers du système politique. Dans ses articles 7, 9 et 10, elle aborde longuement le sujet en mettant en exergue le rôle essentiel d’«encadrement et de formation politique du citoyen». S’en est suivi la même année une loi organique, la 29-11, qui détermine les conditions de constitution, de fonctionnement, de financement et du contrôle de celui-ci. Le nouvel arsenal juridique ne s’est pas limité à accorder aux partis politiques une marge de manœuvre importante et une protection, il est allé plus loin en leur faisant bénéficier de moyens financiers conséquents pour assurer leur fonctionnement, à hauteur des scores réalisés, et d'un financement des campagnes électorales.

L’ensemble des partis politiques, c’est de lui qu’il s’agit dans cet éclairage, a-t-il mis à profit ces incitations pour se renforcer, renouveler ses offres politiques, recruter de nouvelles élites, enrichir le débat parlementaire, irradier dans la société, nouer de nouvelles relations avec la société civile… Bref remplir le rôle que le constituant lui a assigné?

Sans remonter loin en arrière, nous allons considérer que le premier véritable test pour les partis a été l’invitation à venir exposer leurs programmes devant la Commission spéciale sur le Nouveau Modèle de développement (NMD). Pour avoir lu l’ensemble des contributions, nous pouvons dire qu’aucun parti n’a véritablement présenté un programme complet conformément aux standards retenus en sciences politiques: vision pour le pays à court, moyen et long termes; projet de société: politique, économique, social et culturel; programmes avec les ressources à mobiliser: financières et humaines, leurs délais de réalisations. Nous avons eu droit à des contributions partiales, de qualités inégales allant des rappels des références idéologiques, pour certains, à des programmes sectoriels sans vue d’ensemble, pour d’autres. Chacun a privilégié sa zone de confort.

L’absence de programmes complets et spécifiques chez les partis politiques a déteint sur la qualité de leur offre politique lors des dernières législatives: des promesses excessives et non justifiées. De toute façon, il y a bien longtemps que la grande majorité des partis politiques est convaincue que ce ne sont pas les programmes qui font gagner les élections, mêmes nationales, mais les qualités des candidats: moyens matériels et implantation locale. Pour l’intellect, on oublie. Cette option: le notable au dépend du cadre politique comme candidat, privilégiée par l’immense majorité des partis politiques, a donné un Parlement dans ses deux Chambres incapables de jouer son rôle de confectionneur des lois, contrôleur, évaluateur des politiques publiques et diplomate. Les observateurs politiques s’accordent à reconnaître une baisse de niveau d’une législature sur l’autre: absence de propositions de lois de qualité, débats pauvres, souci du détail et du sensationnel, renoncement à faire valoir des droits et missions relevant des attributions du Parlement. Ce manque de performance est plus accentué dans la deuxième Chambre du Parlement. Au vu de cette triste réalité, on ne regrette pas la multiplication de conseils couvrant plusieurs domaines socio-économiques et animant le débat national voire agissant comme colégislateurs. La nature a horreur du vide.

Le recours aux notables par les partis politiques a restreint leurs domaines d’intervention aux instances élues. Devenues dans leur acception, par la force des choses, foyer du social et force motrice de l’histoire; oubliant la société réelle, là où s’opèrent les changements, et leur mission première «l’encadrement et la formation politique du citoyen». Les partis politiques, soit de la majorité gouvernementale soit de l’opposition, doivent se réapproprier le terrain pour expliquer et défendre leurs positions et ne pas laisser aux «apprentis opposants» des réseaux sociaux le loisir de parler seuls.

Il n’y a pas que les réseaux sociaux, comme espace d’expression, qui a été négligé par les partis politiques. Combien d’organisations de la société civile, de femme et de jeunesse ont-elles besoin d’encadrement et de formation? Le nombre est impressionnant.

Les partis politiques sont invités à redoubler d’effort: intellectuel et organisationnel, pour améliorer leurs offres politiques et se mettre à niveau pour répondre aux attentes nouvelles de la société. La réappropriation des espaces sociaux, leur encadrement, incitera à une meilleure participation des citoyens aux élections et donnera un surcroît de légitimité à nos choix politiques nationaux.

Les moyens mis à disposition des partis politiques doivent trouver justification auprès des citoyens.

Par Adnan Debbarh
Le 22/07/2022 à 16h31