Le hirak algérien contre un cinquième mandat du président malade, Abdelaziz Bouteflika, s’est répandu jusqu’aux casernes de l’armée. Les généraux ont déclenché l’état d’alerte après la diffusion, sur les réseaux sociaux, d’une pétition signée par de jeunes officiers de la septième brigade blindée. Les pétitionnaires menacent de soutenir les protestations des citoyens contre le «Régime du fauteuil roulant». Certaines franges de l’armée n’ont pas tardé à se joindre aux protestations des centaines de citoyens en exprimant, dans un précédent dangereux, leur refus du «Cinquième pacte». En plus de cette pétition, des slogans attribués à des éléments de l’armée nationale populaire (ANP) critiquent nommément leur commandement: «Tout le peuple s’élève contre la bande à Gaid Salah et Said». Allusion faite à la connivence entre le haut commandement de l’ANP et la famille du président. Les pétitionnaires ont menacé de violer les lois qui leur interdisent les débats politiques, y compris celle du général Ghediri qui n’autorise les militaires à faire de la politique que cinq ans après avoir quitté l’ANP.
Le quotidien Assabah rapporte, dans son édition du mardi 19 février, que les signataires de la pétition ont enjoint les membres de l’armée de ne pas s’opposer à la volonté du peuple algérien. Les Algériens réclament aux dirigeants de revenir sur la décision de la candidature de Bouteflika. Les habitants de plusieurs wilayas ont, en effet, organisé des marches de protestation, notamment à Bejaia, Kherrata, Bordj Bou Arreridji, Tizi Ouzou, en entonnant des slogans demandant le changement du régime. Les manifestants ont ainsi brandi des drapeaux noirs pour exprimer leur indignation face à la situation politique que traverse le pays. Néanmoins, certaines voix appellent à la sagesse, de crainte que ces mouvements ne provoquent un dérapage sécuritaire et le déploiement de milliers d’éléments de la police et de la gendarmerie dans les quartiers et boulevards de la capitale. D’autant que des tracts secrets incitent les Algériens à participer, avec force, à une «marche millionnaire» prévue pour les prochains jours.
Dans la région de Kherrata, considérée comme le fief de l’opposition, plusieurs organisations et associations culturelles et sociales, avec à leur tête la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), ont organisé plusieurs marches. Les manifestants ont défilé dans les rues en scandant des slogans clamant le départ de Bouteflika et le refus de la «Confiscation du pouvoir du peuple», ainsi que la «Mise sous tutelle du peuple algérien». Les marcheurs de Kherrata et des localités avoisinantes telles Sétif, Bejaia et Jijel, n’ont pas hésité à s’en prendre au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui avait déclaré que «le peuple algérien avait accueilli la candidature du président avec joie et attendait cette décision avec impatience». D’autres slogans critiquent «l’échec des politiques économiques du président».
Chose inhabituelle, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues pour interdire ce rassemblement. Les manifestants ont déclaré qu’ils organiseraient une autre marche de protestation le 24 février. Par ailleurs, la LADDH indique qu’un jeune trentenaire a été libéré après avoir été interpellé à Bordj Bou Arreridji, alors qu’il menait une marche contre la candidature de Bouteflika. Face à la multiplication de ces manifestations, la capitale algérienne a connu, dans la nuit de vendredi, un déploiement massif des forces de l’ordre. Les grandes artères et les bâtiments gouvernementaux ont été fortement sécurisés pour parer à toute éventualité. D’autant que des rapports sécuritaires font état de la multiplication des appels, sur les réseaux sociaux, pour organiser la «Marche millionnaire» à Alger.