La révision de l’article 47 toujours en débat

Un conseil de gouvernement, sous la présidence de Saâd Eddine El Othmani.

Un conseil de gouvernement, sous la présidence de Saâd Eddine El Othmani. . DR

Revue de presseKiosque360. Alors que certains partis appellent à l’amendement de cet article, les spécialistes estiment que cela n’est pas nécessaire. Au contraire, cet article devrait être renforcé par la pratique constitutionnelle.

Le 05/05/2019 à 20h13

L’appel à la révision de l’article 47 de la Constitution continue d’alimenter le débat public. A près de deux ans et demi des prochaines élections, la perspective d’un nouveau blocage au moment de former le gouvernement hante déjà les esprits des politiques et constitue une matière à réflexion pour les médias. Le quotidien Al Akhbar consacre son dossier hebdomadaire, à paraître lundi 6 mai, au sujet et explore notamment l’avis de quelques professeurs de droit, également militants de partis politiques. Leur réponse va à l’encontre de la tendance générale.

Ainsi, interrogé sur le sujet, Abdelhafid Adminou, professeur de droit à l’université de Rabat et membre de l’Istiqlal, estime que «le débat sur l’amendement de l’article 47 est irréaliste». Pour lui, la véritable problématique réside dans le mode de scrutin. Ce dernier conduit toujours à une «majorité hybride». Du coup, les 7 ou 8 partis représentés au Parlement se retrouvent presque tous au gouvernement. Il est donc impossible, avec le mode de scrutin actuellement en vigueur, de déboucher sur une ligne de distinction bien marquée entre deux bloc distincts, la majorité et l’opposition. Et c’est le problème, estime cet universitaire. Quant à l’article 47, «il faut au contraire le renforcer par les bonnes pratiques».

De son côté, Benyounes Merzougui, membre du conseil national de l’USFP et professeur de droit à l’université d’Oujda, souligne que «la Constitution ne nécessite pas une révision. Le chef de gouvernement peut être nommé au sein d’un parti, outre que celui arrivé en tête des élections». De même, cet article, précise-t-il, ne prévoit pas uniquement que le chef de gouvernement soit désigné parmi le parti arrivé en tête des élections, mais également sur la base de leurs résultats. Ce sont deux paramètres qui ouvrent un large champ. Cela étant, la Constitution, «ne doit pas être aussi précise que le code pénal. Autrement, on devrait réviser tout le texte», ironise-t-il. Le professeur universitaire insiste, lui aussi, sur la pratique et invite les partis politiques à plancher sur une réforme du code électoral, et du mode de scrutin en particulier.

Par ailleurs, le quotidien s’est livré à un curieux exercice, faisant un voyage dans le temps pour explorer les propositions remises par les partis politiques, en 2011, à la Commission royale chargée de la réforme de la Constitution. La plupart des partis avaient prévu le blocage de 2016 et proposé des scénarios à même de l’éviter. C’est ainsi que le MP a proposé que le chef de gouvernement soit désigné parmi le parti qui a gagné les élections ou bien parmi l’union des partis, constituée avant le scrutin, qui est arrivée en tête. Il fixe un délai de 30 jours pour former le gouvernement. Pour sa part, le PAM avait proposé de nommer le chef du gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections. Il n’a pas prévu de scénario en cas d’impossibilité de constituer une majorité par le chef de gouvernement. Par contre, selon le parti, si ce dernier n’arrivait pas à gagner la confiance du Parlement dans un délai de 5 jours, c’est le deuxième parti qui sera chargé de former le gouvernement. Ce dernier dispose de 60 jours pour faire voter son programme. Au cas contraire, le Parlement est dissout et de nouvelles élections ont lieu.

Pour l’Istiqlal, la question est simple. Le chef de gouvernement est désigné au sein du parti arrivé en tête des élections. S’il n’arrive pas à former sa majorité ou à faire adopter son programme par le Parlement, il demande au roi à être déchargé de la mission et c’est le deuxième parti qui est appelé à former le gouvernement. En cas de nouvel échec, on passe au suivant, et ainsi de suite. La proposition de l’USFP, elle, est proche du contenu de l’article 47. Pour ce parti, le chef de gouvernement est désigné parmi le parti qui aura gagné les élections. En cas d’incapacité de former une majorité ou si son programme est rejeté par les députés, un nouveau chef de gouvernement sera désigné sur la base des résultats des élections.

Quant au PJD, il s’est contenté de proposer de désigner le chef de gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections. Sans plus. Sans préciser, non plus, qu’il doit s’agir du secrétaire général. Le RNI est un peu plus consciencieux. Pour lui, le chef du gouvernement est nommé parmi le parti arrivé en tête des élections et sur la base des résultats. Il avait également proposé la mise en place d’une procédure pour encadrer les négociations de formation du gouvernement. De toutes les manières, avait proposé le RNI, le gouvernement doit être formé dans un délai de 30 jours. A défaut, le roi désigne une autre personnalité, tout en tenant compte des résultats des élections, pour former un gouvernement.

Par ailleurs, Al Akhbar s’est intéressé à la procédure de révision de la Constitution. C’est ainsi qu’en se référant à cette dernière, l’initiative de cette prérogative est, depuis 2011, entre les mains du chef du gouvernement, des membres de la Chambre des représentants et des élus de la deuxième Chambre. Auparavant, seul le roi pouvait initier la procédure de réforme de la Constitution, attribution qu’il garde, par ailleurs, toujours.

Par Amyne Asmlal
Le 05/05/2019 à 20h13