Au Maroc, la TGR compte au total 172 perceptions, un maillage qui couvre l’ensemble du territoire et constitue le socle historique du recouvrement fiscal local. Depuis la publication de la circulaire du ministère de l’Intérieur ordonnant l’application immédiate de la loi 14.25 et le transfert des dossiers, locaux et compétences vers les communes, les perceptions de la TGR ont été plongées dans une situation inédite. Le recouvrement des taxes locales est pratiquement à l’arrêt en raison d’un vide juridique: la loi n’a prévu aucune phase transitoire entre l’ancien système et celui des 92 nouvelles perceptions communales.
Dans ce contexte tendu, les réunions tenues récemment entre les syndicats et les responsables du ministère de l’Économie et des Finances semblent avoir permis de dégager quelques garanties.
Aucun fonctionnaire ne sera déplacé de force
Selon Mohamed Daidaa, la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, et le ministre délégué au Budget, Fouzi Lekjaa, ont réaffirmé que les droits acquis des fonctionnaires du ministère des Finances seront pleinement préservés. Les garanties portent autant sur les salaires, les primes que sur la stabilité psychologique, le déroulement de carrière et les perspectives de promotion.
Les fonctionnaires de la TGR ne seront pas affectés aux perceptions communales sans leur consentement. Ceux qui souhaitent rester dans leur zone actuelle pourront y demeurer. Si, dans certains cas, une perception communale a besoin d’un renfort technique provenant de la TGR, le recours à un fonctionnaire ne pourra se faire qu’à sa demande et sur une base strictement volontaire. Cette position marque une rupture nette avec les craintes initiales d’une réaffectation massive, brutale ou non encadrée.
On apprend également que le ministère de l’Intérieur a commencé à former ses propres percepteurs en puisant parmi les cadres des communes. Cette formation s’étale sur deux à trois mois, avant une prise de fonction au sein des 92 perceptions communales prévues par la réforme.
Selon Daidaa, les nouvelles perceptions devront être installées dans des locaux déjà utilisés par la TGR. Le transfert, puisqu’il concerne des biens publics, sera géré par la Direction des domaines de l’État, qui procédera à l’affectation formelle de ces bâtiments au ministère de l’Intérieur.
Que deviendront les agents des anciennes perceptions de la TGR?
De nombreux fonctionnaires redoutaient de se retrouver «sans mission» après la transformation de certaines perceptions en perceptions communales. Les clarifications du SND-UMT apportent une réponse claire à ce sujet.
En effet, lorsqu’une perception de la TGR bascule en perception communale, les agents de la TGR pourront rejoindre la trésorerie préfectorale, provinciale ou régionale la plus proche. Si aucune structure de ce type n’existe dans la zone, ils seront affectés à l’un des services extérieurs du ministère des Finances (RAF, etc). Selon Daidaa, aucun fonctionnaire ne restera sans solution, même dans les cas les plus complexes.
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Entre-temps, le recouvrement des taxes locales est toujours bloqué. Les percepteurs de la TGR ne disposent plus des prérogatives légales pour engager des actions de recouvrement, tandis que les percepteurs communaux ne sont pas encore opérationnels. Cette situation prive les collectivités de milliards de dirhams de recettes, un manque à gagner qui inquiète les élus locaux.
En dehors de la taxe d’habitation et de la taxe sur les services communaux, dont le recouvrement a été transféré à la Direction générale des impôts, l’ensemble des autres taxes locales a été confié aux communes. Il s’agit notamment de la taxe professionnelle, de la taxe sur les terrains urbains non bâtis, de la taxe sur les opérations de construction, de celle relative au lotissement des terrains, de la taxe sur les débits de boissons, de la taxe de séjour dans les établissements touristiques, de la taxe sur les eaux minérales et les eaux de table, de la taxe sur le transport public des voyageurs, ainsi que de la taxe sur l’extraction des matériaux de carrière. Au total, ces taxes génèrent chaque année près de 3 milliards de dirhams de recettes pour les communes.
Mohamed Daidaa explique que cette paralysie est due à une lacune de la loi, qui n’a pas prévu de période transitoire permettant un passage progressif des compétences. Selon lui, une solution juridique et administrative devra être rapidement trouvée pour rétablir le recouvrement, au moins temporairement, avant la mise en fonction complète des nouvelles perceptions.
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Il est important de souligner que les fonctionnaires communaux qui étaient jusqu’ici mis à disposition des perceptions de la TGR disposent d’une grande expérience pratique. Ils continueront de percevoir les primes du ministère des Finances même s’ils retournent dans leurs communes d’origine, assure Mohamed Daidaa, ajoutant que ces agents constituent un maillon essentiel pour assurer la continuité du service de recouvrement dans de bonnes conditions.
Le ministère des Finances s’est également engagé à transférer son expertise au profit des futures perceptions communales. Les modalités exactes, notamment la possibilité de recourir à des détachements volontaires de percepteurs relevant de la TGR, seront arrêtées par une commission mixte réunissant les inspections générales des deux départements (IGF et IGAT). Si la décision finale n’a pas encore été actée, les syndicats, eux, défendent fermement le principe du volontariat.
Lors de leur réunion avec la ministre de l’Économie et des Finances, celle-ci s’est engagée à trancher, dans un délai de quinze jours, sur les mécanismes de transition ainsi que sur les mesures à mettre en œuvre pour rétablir le recouvrement. Les syndicats, de leur côté, réclament une note explicative claire et détaillée, afin de dissiper les rumeurs, lever les interprétations contradictoires et apaiser les inquiétudes qui continuent de circuler au sein des services.
Dans un climat encore tendu, ces précisions ouvrent néanmoins la voie à un apaisement. Les syndicats appellent désormais à une coordination étroite entre le ministère de l’Intérieur et celui des Finances, afin de sortir de l’impasse institutionnelle et de mettre en œuvre la réforme dans un cadre maîtrisé et sécurisé.







