Anas Doukkali veut transformer les hôpitaux en "casernes"

Anass Doukkali, ministre de la Santé.

Anass Doukkali, ministre de la Santé. . DR

Revue de presseKiosque360. Face à la multiplication des vidéos dénonçant les carences des hôpitaux, le ministre de la Santé a décidé de cadenasser les établissements hospitaliers. Ainsi, il a ordonné à tous les responsables de s’opposer à ceux qui osent filmer un établissement de santé.

Le 29/11/2018 à 20h24

Le ministre de la santé, Anas Doukkali, a décrété «l’état d’urgence» dans les établissements et les hôpitaux publics, ainsi que dans toutes les annexes, que ce soit dans l’administration centrale, les régions ou les provinces. Il a donné des instructions strictes au secrétaire général du ministère, à l’inspecteur général, ainsi qu’à tous les directeurs régionaux et délégués provinciaux, les appelant à s’opposer à toutes les tentatives de photographier ou de filmer ces établissements.

Le ministre ne s’est pas contenté d’une lettre ou d’une circulaire, mais a eu recours à une sorte de «Manifeste ministériel» pour donner un caractère juridique et injonctif à ses directives. Les ordres d'Anas Doukkali interviennent quelques jours après que le secrétaire général du ministère a adressé une lettre aux responsables pour les mettre en garde contre toute divulgation de documents officiels et d'informations liées à l’établissement.

Le quotidien Assabah rapporte, dans son édition du vendredi 30 novembre, les propos d’une syndicaliste qui reproche au ministre d’avoir choisi la fuite en avant face aux graves problèmes que connaît le secteur de la santé au Maroc. Il a ainsi feint d’oublier, ajoute la syndicaliste, les vagues de protestation et de colère des citoyens, notamment des détenteurs de la carte RAMED. Il semble même, ajoute la même source, éluder le ras le bol des médecins, des infirmiers et des techniciens qui n’ont cessé de recourir à des grèves, des sit-in et des marches de protestation.

Au lieu de trouver des solutions aux multiples carences que connaît ce secteur, ajoute le même interlocuteur, le ministre adopte l’innommable pratique de l'ère Basri en transformant les hôpitaux en casernes qu'il ne faut ni approcher, ni filmer. Dans sa «circulaire» no 58 du 27 novembre, le ministre a ordonné à tous les responsables de l’administration centrale et des délégations régionales «d’interdire toute prise de photos ou de vidéos, pendant les heures de travail, relatives à des cas, événements ou incidents isolés, souvent sortis de leurs contextes et publiés comme étant la règle et non l’exception». Ces publications, ajoute Anas Doukkali, «sont diffusées dans des objectifs qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général de l’établissement de santé publique».

Le ministre a demandé à tous les responsables de la santé de lui fournir, dans les quinze jours, toutes les photos et vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux et de lui faire part de ceux ou celles qui ont participé à leurs publications. Le ministère s’occupera de l’étude de ces rapports, ajoute Doukkali, et vérifiera si leurs contenus ne constituent pas une diffamation, une injure ou une humiliation à l’encontre des services relevant du ministère ou de l’un de ses fonctionnaires. Le ministre menace de «poursuivre toute personne qui s’approche des établissements de santé ou filme ce qui s’y passe, selon les procédures judiciaires en vigueur ou les dispositions de la loi relative à la presse et à l’édition».

Le ministre de la santé a, par la suite, donné des instructions strictes aux responsables afin de prendre les mesures nécessaires contre tous ceux qui divulguent des documents officiels des établissements de santé. Il a brandi devant les responsables l’article 18 de la loi sur la fonction publique relative au secret professionnel. «Il ne faut pas se baser sur le droit de l’accès à l’information pour justifier la divulgation du secret professionnel ou la transmission de documents officiels», a ajouté le ministre qui menace tous ceux qui oseraient violer ces directives d’être suspendus de leur travail ou, le cas échéant, soumis à une procédure disciplinaire.

Par Hassan Benadad
Le 29/11/2018 à 20h24