Abdelilah Benkirane, chronique d'une ascension et d'un déclin

Abdelilah Benkirane.

Abdelilah Benkirane. . Le360 : DR

Revue de presseKiosque360. Entre le 26 novembre 2011, jour où le PJD a gagné les élections et le 15 mars 2017, jour où il a été renvoyé, Benkirane est passé par tous les états. "Al Ahdath Al Maghribia" brosse le portrait du secrétaire général du PJD.

Le 09/12/2017 à 10h10

Quelques heures avant le démarrage du congrès du Parti de la justice et du développement (PJD), Al Ahdath Al Maghribia a choisi de brosser un portrait du secrétaire général sortant Abdelilah Benkirane. Le personnage a tenu en haleine la classe politique et les simples citoyens ces six dernières années, faisant bien souvent la pluie et le beau temps sur la scène politique, note, en substance, le journal dans sa livraison de ce week-end des 9 et 10 décembre. 

Le quotidien fait d’abord l’inventaire des qualités qui ont fait l’aura de Benkirane, ses aptitudes communicationnelles, son pragmatisme, son charisme au sein de son parti et sa capacité à neutraliser les contestations de la rue. Mais l’homme tire également sa gloire du fait qu’il a conduit, par deux fois, son parti à une victoire électorale éclatante. Le personnage, qui a passé neuf ans à la tête du PJD, dont trois années dans l’opposition, a vu sa carrière politique chamboulée le 26 novembre 2011. Son parti, qui n’avait jamais participé ni cautionné les manifestations du mouvement du 20 février, venait de gagner les élections législatives avec une marge confortable, en profitant justement de ces évènements.

Dès sa nomination à la tête du gouvernement, il a tenu à rassurer tout le monde, affirmant qu’il n’avait pas l’intention de lancer une chasse aux sorcières et qu’il allait s’allier avec les partis dits «nationalistes». Il a vite séduit le simple citoyen comme les militants politiques de gauche et de droite, avant de commencer à imposer son tempo. Cette attirance qu’il a pu exercer sur les gauchistes et les libéraux lui a assuré une popularité inégalée. Pragmatique, il su tirer les leçons qui s’imposent du Printemps arabe et de son devenir dans de nombreux pays.

Il a su s’entourer de compétences issues de son parti mais aussi d’autres horizons, aussi bien dans la gestion publique que dans les organes de direction du parti, au point de leur faire de l’ombre et de passer pour le seul homme à bord. C’est ce charisme qui fait qu'aujourd’hui, la jeunesse du PJD ne croit plus qu’en lui, convaincue qu’aucun autre membre du parti ne pourra l’égaler. Ce «pouvoir», il a pu l’exercer également sur les acteurs sociaux, au point de faire disparaître les mouvements de grève de la fonction publique.

Après une ascension aussi fulgurante, la chute le guettait. Ses atouts ont commencé à s’estomper au profit de ses défauts. Grisé par sa popularité, Benkirane a commis des erreurs qui lui seront plus tard fatales. Son combat acharné contre les autres forces politiques et ses échanges avec les patrons de l’Istiqlal et du PAM auraient pu le conduire devant la justice. Le débat politique étant par ailleurs descendu à des niveaux très bas, Benkirane a usé et abusé de l’arme du populisme, à la fois pour acculer ses adversaires et pour recruter davantage de partisans. Les membres de son parti ont commencé par l’imiter avant de s’en détourner après avoir subi les premiers revers de la démarche.

Cependant, note le journal, c’est surtout après le décès de son compagnon, Abdellah Baha, que le comportement d’Abdelilah Benkirane a radicalement changé. Imbu de son pouvoir, il a commencé à se comporter de manière inconsidérée. C’est à ce moment-là qu’il a dérapé, impliquant le roi et la monarchie dans ses guéguerres partisanes. Au début de son mandat de chef de gouvernement, note le journal, il voulait surtout gagner la confiance du souverain. Plus tard, il a voulu traiter directement avec le Palais en passant outre les conseillers.

Même sur le plan social, Benkirane, qui s’est souvent vanté de pouvoir prendre des décisions sans craindre la réaction de la rue, a fini par être chahuté par elle. C’est, rappelle le journal, à Tanger, lors des contestations contre la hausse des factures de l’eau et d’électricité, que le slogan «Benkirane dégage» a été scandé pour la première fois. Plus tard, les rapports sur l’indice de développement humain ont montré que, durant son mandat, au lieu de progresser comme il le promettait, le Maroc régressait dans le domaine social. Mais, conclut le journal, ce sont les six mois de blocage gouvernemental qui ont vraiment dévoilé les failles du personnage.

Par Amyne Asmlal
Le 09/12/2017 à 10h10