Vidéos. Gaïd Salah: «les revendications de la rue sont impossibles»

DR

A deux jours d’un huitième vendredi de la colère contre le système Bouteflika et au lendemain de la nomination contestée de Abdelkader Bensalah, un cacique du régime, le chef de l’armée algérienne hausse le ton contre les manifestants, comme il l'avait fait dès les débuts. Décryptage.

Le 10/04/2019 à 17h27

Chassez le naturel, il revient au galop. Et en Algérie, c’est désormais l’armée qui est, seule, aux commandes. C’est du moins ce que le discours donné ce mercredi 10 avril par le chef l’armée algérienne depuis Oran, laisse accroire. Retransmise tant par la chaîne nationale algérienne que par multiplex dans toutes les régions militaires du pays, cette prise de parole du chef d'état-major a franchement de quoi inquiéter, quant à la suite des évènements, dans un contexte où la rue ne décolère pas contre un régime, qui est sorti par la porte, pour revenir par la fenêtre.

Tout le monde le sait: la principale revendication des Algériens est le départ de tout le système, y compris ses relais (comme c’est le cas pour celui qui est désormais le président par intérim, Abdelkader Bensalah). S’il se disait «à l’écoute» de cette demande aux débuts des premières manifestations, Gaïd Salah la qualifie aujourd’hui d’«impossible» -à satisfaire, s'entend.

«Les slogans portés par les manifestants sont impossibles [à satisfaire, Ndlr]», a ainsi affirmé, et plutôt deux fois qu’une, le chef de l’armée. Rien que cela. Exit, donc, le «nous sommes avec le peuple» et les «revendications exprimées sont légitimes» et voici revenues les menaces contre des «agitateurs» qui veulent «créer un vide constitutionnel», «semer la fitna», «détruire les institutions» et, bien sûr, «déstabiliser le pays». Connaissant les revirements dont Gaïd Salah est capable, lequel a d'ailleurs commencé à mettre en garde les manifestants des premiers jours avant de raviser, ces dernières déclarations n’ont finalement rien de si étonnant.

Là encore, c’est le vieux disque d'un danger, qui viendrait de l’étranger, qui est brandi. Dans son discours, Gaïd Salah parle ainsi de «parties étrangères ayant des liens historiques avec l’Algérie» qui chercheraient à manipuler les manifestants, notamment par l’entremise d’organisations non-gouvernementales, elles-mêmes secondées par des «mercenaires», à l’intérieur du pays, ceux-là. Sur ce registre particulièrement, c’est surtout la piste de l’ancienne puissance coloniale, la France, qui est évoquée, sans être nommée.

Mais le point focal à retenir de ce discours reste surtout que le seul maître à bord en Algérie, reste l’armée. Et que Gaïd Salah dirige le pays. e chef d'état-major l’a d’ailleurs clairement exprimé. Période transition, certes, il y aura, et c’est l’armée qui y «veillera». C'est bien là, là preuve de sa détermination, et, pour lui, la conséquence majeure qu’aurait le maintien de l'actuelle mobilisation, «c’est davantage de crise socio-économique». Message principal: l’armée ne cèdera pas, et c’est bien le peuple algérien qui risque d’être le grand perdant dans cette histoire. 

En prélude à ce durcissement de ton, la première répression qui a marqué les manifestations, de plus en plus nombreuses et désormais quotidiennes, organisées aujourd’hui. Autant dire que l'armée est d'ores et déjà en train de mettre ses menaces à exécution.

Par Tarik Qattab
Le 10/04/2019 à 17h27