Un intellectuel algérien appelle l'armée de Bouteflika à la désobéissance

Noureddine Boukrouh, ancien ministre du Commerce.

Noureddine Boukrouh, ancien ministre du Commerce. . dr

Un mois après son appel pour «une révolution pacifique du peuple algérien», l'intellectuel Noureddine Boukrouh se manifeste à nouveau pour mettre en garde cette fois l'armée «d’utiliser ses effectifs et son armement contre le peuple s’il devait s’élever contre le régime de Bouteflika». Les détails.

Le 06/10/2017 à 14h16

Rappelez-vous: le 30 août dernier, l'intellectuel algérien, Noureddine Boukrouh, avertissait que "le pourrissement de la situation en Algérie pourrait déboucher sur un coup d'Etat militaire". Dans un message au peuple algérien, posté sur son compte Facebook, et relayé par le360, M. Boukrouh, célèbre pour ses sorties caustiques contre le président Bouteflika et le chef d'état-major de l'ANP, le général Gaïd Salah, avait appelé le peuple algérien à opérer "une révolution pacifique" pour reprendre son destin en main, avant qu'il ne soit trop tard. Un mois plus tard, le même Boukrouh, ancien ministre de l'Industrie, revient à la charge et avertit l'armée de ne pas obéir aux ordres susceptibles de provenir du régime pour réprimer la révolution pacifique annoncée du peuple algérien.

"L’Armée Nationale Populaire (ANP) est l’armée de la Nation et est constituée des enfants du peuple algérien. Elle est l’héritière de l’Armée de Libération Nationale formée par des patriotes pour libérer l’Algérie du colonialisme. Elle est aux ordres de l’Etat en tant qu’émanation de la Nation et représentant incontesté de la volonté populaire", a-t-il souligné. "Ces qualités et cette vocation lui interdisent, ainsi qu’aux services de sécurité, d’utiliser leurs effectifs et leur armement contre le peuple s’il devait s’élever contre des politiques desservant l’intérêt national à l’instigation d’un pouvoir soupçonné de ne plus représenter l’intérêt de l’Etat et l’intérêt général, mais ceux d’une poignée d’individus", a-t-il averti.

Vous avez bien lu: M. Boukrouh appelle clairement l'ANP à désobéir aux ordres du régime de Bouteflika, accusé de préparer une répression sanglante contre son peuple. "Le 5 octobre 1988, le pouvoir a ordonné à l’ANP et aux services de sécurité d’utiliser leurs effectifs et leurs armes contre les manifestants pour rétablir l’ordre. Des changements politiques ont été initiés dans la foulée mais, parce que non préparés, ils ont débouché sur une décennie de tueries qui persistent à ce jour", avertit encore l'auteur du livre «Les Algériens dans la tourmente: 1989-1999».

Régime de Bouteflika: pronostic vital engagé

"Le doute plane depuis plusieurs années sur les capacités de ce pouvoir à mener des politiques fructueuses au service de la Nation. Au lieu de se résoudre à un changement pacifique et salutaire, il accélère au contraire sa fuite en avant", relève M. Boukrouh, candidat à la présidentielle du 16 novembre 1995.

"Les effets des politiques improvisées au jour le jour et la primauté de l’intérêt à court terme sur l’intérêt à long terme de la Nation sont manifestes. Ils sont attestés par l’instabilité juridique, l’absence de vision, le recours à la création monétaire, l’intention de brader les ressources énergétiques et minières pour ramener des investisseurs étrangers et l’intensification des efforts pour passer à l’exploitation du gaz de schiste qui constitue une menace pour les ressources hydriques du pays, l’écosystème et la santé des habitants de la région", pointe-t-il encore.

Evoquant le plan du vieux-nouveau gouvernement Ouyahia, M. Boukrouh estime: "Les mesures prises à la hâte récemment engendreront dans un avenir plus ou moins proche des troubles sociaux qu’aucun Algérien ne souhaite". La mesure la plus dangereuse, selon M. Boukrouh, est le recours à la planche à billets, dernière cartouche pour le régime face à l'assèchement des réserves de l'Etat en devises. "Si le manque de liquidités en dinars peut être compensé non sans dangers jusqu’à un certain point par l’impression de billets de banque, il n’y a aucun moyen de compenser le manque de disponibilités en devises nécessaires au financement des importations sans lesquelles le pays s’effondrerait. Cette perspective se rapproche car les réserves actuelles ne couvriront pas plus d’une année et demi d’importations, et c’est alors que les troubles pourraient éclater, obligeant le pouvoir à demander à l’ANP et aux forces de l’ordre de les réprimer", analyse M. Boukrouh.

Un scénario confirmé par le "chantage à la terreur" auquel se livre actuellement le régime algérien, via la diffusion, sur l'ENTV, de séquences brutales de la tristement célèbre décennie noire (années 90), dans ce qui s'avère être une "frappe préventive" contre un nouveau soulèvement populaire qui s'avère aussi imminent qu'inévitable.

Par M'Hamed Hamrouch
Le 06/10/2017 à 14h16