Trois semaines après le meurtre, la pression internationale sur Riyad ne cesse de s'accroître: le président turc Recep Tayyip Erdogan a appelé mardi à punir "toutes les personnes impliquées, des exécutants aux commanditaires", sans cependant citer nommément le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, dit "MBS". Dans la soirée, Donald Trump a affirmé que le prince héritier, avec qui il a dit avoir échangé lundi, lui avait assuré ne pas être impliqué dans le meurtre du journaliste. "Il a fermement dit qu'il n'avait rien à voir avec cela, c'était à un niveau inférieur", a déclaré le président américain lors d'une réunion avec des chefs militaires.
L'annulation des visas, première décision concrète annoncée par Washington à l'encontre de son allié de longue date, vise 21 personnes, qui se voient révoquer leur visa ou interdit d'en demander un, a précisé Heather Nauert, la porte-parole du département d'État. "Ces sanctions ne seront pas le dernier mot des États-Unis sur ce dossier", a averti le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.
Âgé de 59 ans, Jamal Khashoggi, un éditorialiste qui collaborait avec le Washington Post, a été tué le 2 octobre dans le consulat de son pays à Istanbul où il s'était rendu pour obtenir des documents administratifs en vue de son mariage. Après avoir nié la mort du journaliste, le gouvernement saoudien a avancé plusieurs versions contradictoires, évoquant notamment une "rixe" ayant mal tourné. Riyad soutient désormais que le journaliste a été tué au cours d'une opération "non autorisée" dont MBS n'était pas informé.
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Donald Trump croit-il à la version donnée par les Saoudiens? "Je veux d'abord connaître les faits", a-t-il répondu, avant de critiquer l'opération elle-même mais aussi, de façon plus surprenante, la manière dont elle a ensuite été dissimulée. "Ils avaient un très mauvais projet à l'origine, il a été très mal exécuté et l'opération de dissimulation a été l'une des pires de l'histoire des opérations de dissimulation", a-t-il déclaré depuis le Bureau ovale. Le meurtre et sa dissimulation sont d'après lui "un fiasco total".
Restant évasif sur d'éventuelles décisions à venir, le locataire de la Maison Blanche a pris soin de souligner combien Riyad était un "excellent allié" de Washington depuis des décennies, et a rappelé que le royaume sunnite était "l'un des principaux investisseurs aux Etats-Unis". Donald Trump a précisé devoir rencontrer mercredi des responsables s'étant rendus sur place.
La présentation des événements faite par Riyad a été accueillie avec un immense scepticisme à travers le monde. "Les explications fournies laissent de nombreuses questions sans réponse", ont ainsi jugé les ministres des Affaires étrangères du G7. Dans un discours mardi, Erdogan s'est efforcé de donner des détails sur les préparatifs des tueurs afin d'accréditer la thèse d'une opération soigneusement préparée.
Il a ainsi dit que les agents saoudiens avaient effectué des repérages dans une forêt près d'Istanbul et dans une ville du nord-ouest de la Turquie avant le meurtre, suggérant qu'ils cherchaient un lieu où cacher le corps. En outre, le circuit de vidéosurveillance du consulat avait été "désactivé" le matin du meurtre, a poursuivi le président turc, confirmant des informations publiées ces derniers jours par les médias turcs.
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Erdogan n'a cependant mentionné à aucun moment les éventuels enregistrements audio ou vidéo dont la presse turque et certains responsables turcs font état depuis le début de l'enquête. Le président turc, dont le pays entretient des relations complexes avec l'Arabie saoudite, un rival diplomatique mais aussi un important partenaire économique, a paru soucieux d'épargner le roi Salmane, se disant "confiant" dans le fait que ce dernier coopérerait avec la Turquie dans l'enquête.
Pour Soner Cagaptay, chercheur au Washington Institute of Near East Policy, M. Erdogan "ne veut pas d'une rupture avec le roi saoudien" et entend "donner une chance supplémentaire aux efforts" de médiation de Washington. L'intervention de Erdogan a eu lieu quelques heures après l'ouverture à Riyad d'un forum international sur l'investissement, marqué par des désistements en cascade de dirigeants étrangers et chefs d'entreprise, dans la tourmente de l'affaire Khashoggi.
À la veille de ce forum, le prince ben Salmane a reçu à Riyad le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, en tournée dans la région, mais qui a renoncé à participer à la conférence après le meurtre du journaliste. Mercredi, selon des médias saoudiens, MBS devrait participer à un des débats organisés lors du forum. Mardi, le puissant prince héritier y avait fait une brève apparition et avait enchaîné les selfies tout sourire avec les participants du forum.