La présidence algérienne renvoie aux calendes grecques le retour «prochain» de Tebboune

Après toute cette omerta sur son état de santé, A. Tebboune pourrait ne plus retrouver son bureau à la présidence algérienne.

Après toute cette omerta sur son état de santé, A. Tebboune pourrait ne plus retrouver son bureau à la présidence algérienne. . DR

Soumise à une forte pression de l’opinion publique, qui commence même à accorder du crédit aux rumeurs les plus folles sur la santé de Tebboune, la présidence algérienne a encore une fois cafouillé. Elle a annoncé, via un communiqué, le «prochain» retour à Alger du président, sans précision de date.

Le 01/12/2020 à 10h22

«Conformément aux recommandations du staff médical, le président de la république, Abdelmadjid Tebboune, qui poursuit sa convalescence après avoir quitté l'hôpital spécialisé en Allemagne, rassure le peuple algérien qu'il est à présent sur la voie de la guérison et qu'il regagnera le pays dans les tous prochains jours». Sommaire, mais non précis. C’est ainsi que l’on peut qualifier cette unique phrase tenant lieu de communiqué officiel de la présidence algérienne, diffusé lundi soir, et normalement censée donner de plus amples informations sur l’exact état de santé du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, que les Algériens n’ont plus revu depuis le 15 octobre dernier.

L’analyse rapide du contenu de ce communiqué, très laconique, montre clairement que les services de la présidence algérienne ont une nouvelle fois cédé à la panique et ont davantage alerté l'opinion publique au lieu de la rassurer.

Comment Abdelmadjid Tebboune, dont on dit qu’il a quitté l’hôpital allemand où il était alité, pour poursuivre sa convalescence (mais où donc?), peut-il «rassurer» l'opinion publique algérienne d'une prétendue future «guérison»? Et ce, sans se présenter en chair et en os pour s’adresser directement au «peuple algérien», lui qui était connu pour être très bavard et ne ratait aucune occasion pour s’inviter devant les caméras de télévision? A moins que le Covid-19 ne lui ait fait perdre le «goût» des apparitions médiatiques, ce black-out laisse penser qu’il n’est pas au meilleur de sa forme.

L’absence d’une image représentant le président algérien hospitalisé ou convalescent dans une maison à colombages dans la campagne berlinoise ou bavaroise, l’air n’étant pas très respirable en ce moment en Algérie, prouve que Abdelmadjid Tebboune n’est pas «montrable».

Une hypothèse qu’atteste le fait que le communiqué de la présidence algérienne n’indique, ni précisément, ni approximativement, la date du retour d’Abdelmadjid Tebboune à Alger. D’ailleurs, il n’y reviendra pas de sitôt si l’on s’en tient à une faute d’orthographe commise par le service de communication de la présidence algérienne, et reprise tel quel par l’agence de presse officielle, l'APS. Ce retour, annoncé dans «les tous (tout, Ndlr) prochains jours», peut en effet signifier qu’il faudra attendre de revoir Tebboune, comme d’autres attendent toujours Godot. Dans quel état reviendra-t-il au pays? Debout sur ses pieds? Alité sur une civière? Assis dans un fauteuil roulant? On n’en sait rien, là non plus.

L’imprécision et la cacophonie restent encore le fort de ce communiqué de la présidence quand il parle tantôt de «président en convalescence», c’est-à-dire qui a vaincu la maladie et se repose pour reprendre petit à petit ses forces, tantôt d’un président «en voie de guérison», ce qui signifie que Tebboune est toujours plus ou moins malade. 

Tous ces travers communicationnels seraient dus à la forte pression de l’opinion publique qui, après la date symbolique d’un mois d’absence du chef de l’Etat à l’étranger, exige qu’on lui montre des images de Tebboune, quel que soit son état, ou qu’on lui dise la vérité. Et ce, d'autant que des voix commencent à réclamer la destitution de ce président malade, tandis que d’autres le prennent pour mort.

Pour rappel, le premier mensonge officiel sur la maladie de Tebboune est intervenu suite au report du Conseil des ministres qu’il devait présider le 18 octobre dernier. Ce report a en effet été justifié par un communiqué de la présidence comme dû à «des contraintes techniques» et à «la surcharge de l’agenda du chef de l’Etat».

Mais alors que Tebboune a posté un tweet le 24 octobre dernier, pour annoncer son confinement volontaire suite à la découverte de plusieurs cas de d’infections au Covid-19 au palais d’El Mouradia, la présidence a communiqué, le 27 octobre suivant, sur son transfert à l’hôpital militaire de Aïn Naadja d’Alger. Sans préciser la nature de sa maladie, ce communiqué se contente d’écrire que «son état de santé est stable et non inquiétant».

Moins de 24 heures après, un nouveau communiqué de la présidence informe de l’évacuation sanitaire urgente de Tebboune vers un hôpital allemand, pour «des examens approfondis», dit-on. Les résultats de ces examens seront qualifiés, toujours par la présidence, de «rassurants», voire que «le président entame son traitement et se trouve dans un état stable» (29 octobre).

Une semaine plus tard (soit le 3 novembre), la présidence reconnait que Tebboune est atteint de Covid-19, comme cela a pu être révélé par les autorités saoudiennes et émiraties, mais qu’il est «sur le point de terminer son traitement et que son état de santé s’améliore», ajoute un communiqué du 8 novembre. «La fin du traitement» suivi par Tebboune a été annoncée par un autre communiqué officiel du 15 novembre.

Tout ce «protocole» d’informations privilégiant la langue de bois, voire carrément mensongères, comme la fake news de l’APS sur Angela Merkel lui attribuant d’avoir salué un présumé rétablissement de Tebboune, une allégation d'ailleurs rapidement démentie par la chancellerie allemande, n’a eu d’autre effet que d’excéder les Algériens, outrés par le peu de crédibilité des institutions archaïques qui les gouvernent.

En cas d’incapacité de Tebboune à diriger l’Algérie, qui se trouve actuellement dans un état de paralysie, avec le gel de tous les textes qui doivent être paraphés par le président, y compris l’amendement de la Constitution et le projet de loi de finances, c’est le président du sénat, Salah Goudjil, 89 ans, qui devrait prendre le gouvernail du pays. Une situation qui aurait au moins le mérite de mettre sous les feux des projecteurs la vraie nature de la maladie du régime algérien: la gérontocratie.

Par Mohammed Ould Boah
Le 01/12/2020 à 10h22