Espagne. La "répression", principal argument de campagne des séparatistes catalans

Carlos Puigdemont. 

Carlos Puigdemont.  . AFP

Après l'échec de leur tentative de sécession d'avec l'Espagne, les partis indépendantistes en Catalogne misent en ordre dispersé sur le prestige de leurs chefs emprisonnés ou en exil pour remporter les élections régionales le 21 décembre.

Le 03/12/2017 à 17h59

Mais leurs divisions sont telles que même en cas de victoire ils auront du mal à former un gouvernement et continuer à défier l'État, estiment les experts. Aux dernières élections en 2015, les indépendantistes avaient remporté la majorité absolue des sièges au parlement régional, avec 47,8 % des voix. Les derniers sondages les créditent de 45 à 46% des intentions de vote et, selon certaines projections, ils pourraient perdre leur majorité en sièges.

Leur seul thème commun dans la campagne, qui démarre officiellement lundi à minuit, est la dénonciation de la "répression" de l'État qui a mis la région sous tutelle le 27 octobre dernier après la proclamation unilatérale de la "République de Catalogne". Avec le soutien de la majorité du Parlement, le gouvernement de Mariano Rajoy a invoqué un article inédit de la Constitution pour destituer le gouvernement régional, dissoudre le Parlement de la Catalogne et convoquer ces nouvelles élections.

Le président de l'Exécutif catalan, Carles Puigdemont, a pris la fuite vers Bruxelles avec quatre de ses ex-ministres pour échapper aux poursuites judiciaires qui ont conduit le reste de son gouvernement en prison. Tous sont inculpés pour rébellion, sédition et détournement de fonds publics.

Mais les deux forces principales forces séparatistes, Esquerra Republicana Catalana (ERC, gauche républicaine) et le parti centriste de Puigdemont, qui avaient fait liste commune en 2015, se font cette fois concurrence. Entretemps le petit parti d'extrême gauche CUP (Candidature d'unité populaire), leur reproche de ne pas avoir fait appel à la rue pour résister au gouvernement central.

ERC, mené par l'ancien vice-président Oriol Junqueras qui pourrait lundi être en liberté provisoire comme les autres détenus sur décision de la Cour Suprême, est en tête dans les sondages et entend diriger un prochain gouvernement séparatiste. Ce parti ne fixe plus de date pour une éventuelle indépendance, reconnaissant qu'elle est hors d'atteinte pour le moment, faute de consensus en Catalogne.

M. Puigdemont, qui a créé sa propre liste Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), n'a renoncé à rien. Depuis Bruxelles, il mène campagne par voie d'interviews et prétend être rétabli au pouvoir comme "président légitime" et mettre ainsi Madrid en échec.

"Depuis, nous avons vu en un mois quelque 200.000 électeurs basculer de Esquerra vers Puigdemont", a relevé Oriol Bartomeus, professeur de Sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone. "D'ici au 21 décembre, la dispute dans le camp indépendantiste va s'aggraver et ils vont échanger des coups, prévoit-il. Leur problème, c'est que cela pourrait provoquer une fuite des voix et au bout du compte empêcher les indépendantistes de reconduire la majorité absolue".

En face, les partis opposés à l'indépendance tablent sur une participation record -elle est estimée à 80%- pour dépasser le bloc indépendantiste. Mais eux aussi font campagne en étant divisés. Le parti libéral Ciudadanos, deuxième force politique en Catalogne, le Parti socialiste catalan et les conservateurs du Parti populaire de M. Rajoy -au pouvoir à Madrid, mais très mal vu en Catalogne- se disputent le même électorat et n'ont pas voulu s'allier.

"Je vois mal une répétition de l'alliance des trois partis indépendantistes, dit Jose Pablo Ferrandiz de l'institut de sondage Metroscopia, comme je vois mal un gouvernement formé par les trois partis anti-indépendantistes". Dans l'état actuel des sondages, l'arbitre pourrait être Catalunya en comun, le petit parti formé par la maire de Barcelone Ada Colau et la gauche radicale Podemos, prévoit-il.

Cette formation est opposée à l'indépendance, mais réclame néanmoins un referendum d'autodétermination que Madrid juge anticonstitutionnel, ce qui augure mal de la suite. "Débattre d'un referendum qui n'est pas possible dans l'ordre juridique en vigueur est reprendre une discussion qui ne nous a menés à rien", a déclaré à l'AFP le préfet du gouvernement en Catalogne Enric Millo.

Le 03/12/2017 à 17h59