Disparition de Khashoggi: le point sur un véritable scandale d'Etat

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Le président américain Donald Trump a estimé que l'Arabie saoudite pourrait être derrière la disparition à Istanbul de Jamal Khashogg. Riyad dément. Les affaires continuent mais plusieurs investissements sont gelés.

Le 14/10/2018 à 07h58

"En l'état actuel des choses, il semble que peut-être on ne va plus le revoir, et c'est très triste", a déclaré samedi Trump au sujet du journaliste. "Notre premier espoir était qu'il n'ait pas été tué mais peut-être que les choses ne s'annoncent pas bien", a-t-il ajouté. Il a précisé qu'il allait appeler samedi soir ou dimanche le roi Salmane d'Arabie saoudite.

Une délégation saoudienne doit s'entretenir ce week-end à Ankara avec des responsables turcs dans le cadre de l'enquête sur cette affaire qui a suscité la vive inquiétude de plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis où Jamal Khashoggi s'était exilé en 2017. Mais Ankara a reproché samedi à Riyad de ne pas coopérer, et notamment de ne pas laisser les enquêteurs accéder au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul, où le journaliste a été vu pour la dernière fois, le 2 octobre.

"Pour l'instant, ils démentent (leur implication) et la démentent vigoureusement. Est-ce que ça pourrait être eux? Oui", avait aussi dit Donald Trump à propos des Saoudiens dans un entretien avec la chaîne de télévision CBS, enregistré jeudi et diffusé samedi. Il a ajouté que si l'Arabie saoudite s'avérait effectivement responsable, il y aurait "un châtiment sévère".

Mais pas question pour lui de répercussions économiques comme la limitation de ventes d'armes à Riyad, a-t-il réitéré: "Je pense en fait que nous nous punirions nous-mêmes si nous faisions cela. Il y a d'autres choses qu'on peut faire qui sont très, très puissantes, très fortes" - sans précision. Son secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, a d'ailleurs affirmé samedi qu'il se rendrait bien à la deuxième édition du sommet "Future Investment Initiative" du 23 au 25 octobre à Riyad.

Plusieurs projets gelésChristin Lagarde aussi, mais la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) s'est dite "horrifiée" par l'affaire Khashoggi. De fait, l'affaire Khashoggi a refroidi des investisseurs qui s'enthousiasmaient encore il y a un an pour les pharaoniques projets économiques du prince héritier. Le milliardaire britannique Richard Branson a gelé plusieurs projets dans le royaume, et des partenaires tels que le Financial Times, le New York Times et The Economist ont retiré leur soutien au sommet surnommé "le Davos du désert".

Les relations économiques se tendent; ainsi, un puissant hommes d'affaires émirati, Khalaf Al-Habtoor, a enjoint les pays du Golfe et les alliés de Riyad à boycotter les entreprises qui se désolidarisent de ce sommet. Riyad a fermement démenti toute intention d'exécuter le journaliste. "Ce qui a été rapporté au sujet d'ordres de le tuer est un mensonge et une allégation infondée", a de son côté réagi samedi -dans des propos reproduits par l'agence de presse officielle SPA- le ministre saoudien de l'Intérieur Abdel Aziz ben Saoud ben Nayef. Il s'agit, a-t-il dit, de "fausses accusations contre l'Arabie saoudite".

Le ministre saoudien pour les Affaires du Golfe, Thamer Sabhan, a de son côté dénoncé sur Twitter une "campagne mensongère, traîtresse et sale" contre l'Arabie saoudite, dont l'origine remonte selon lui à "des décennies".

Jamal Khashoggi, critique du prince héritier Mohammed ben Salmane et qui collaborait notamment avec le Washington Post, s'était rendu le 2 octobre au consulat saoudien à Istanbul, ayant besoin d'un document nécessaire à son futur mariage. Selon sa fiancée, il devait fêter ses 60 ans samedi au bord du Bosphore. Quatre jours plus tard, des responsables turcs cités par les médias ont affirmé qu'il avait été tué dans ce bâtiment. Des allégations aussitôt qualifiées d'"infondées" par l'Arabie saoudite.

La délégation saoudienne arrivée vendredi à Ankara doit notamment prendre part aux travaux d'un groupe de travail sur la disparition de Jamal Khashoggi, dont la création a été annoncée par le porte-parole du président turc Recep Tayyip Erdogan. Cette délégation est constituée de onze personnes et a inspecté vendredi le consulat d'Arabie saoudite à Istanbul, d'après la chaîne de télévision turque NTV. Sa composition demeurait inconnue.

Ankara juge néanmoins que l'enquête piétine devant le manque de coopération des Saoudiens. "Nous n'avons pas encore vu de coopération pour que l'enquête se déroule facilement et que toute la lumière soit faite. C'est ce que nous voulons voir", a dit le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, à l'agence de presse nationale Anadolu, lors d'une visite officielle à Londres. Le ministre a enjoint à l'Arabie saoudite de laisser les "procureurs et experts pénétrer dans le consulat" afin de pouvoir mener à bien leurs investigations.

Selon les quotidiens turcs Sözcü et Milliyet, Jamal Khashoggi portait, lorsqu'il est entré au consulat, une "montre intelligente" connectée à un téléphone qu'il avait laissé entre les mains de sa fiancée, Hatice Cengiz. Ils racontent que des enregistrements audio ont ainsi été transmis au téléphone et sont actuellement examinés par la justice turque. Toutefois, Milliyet précise que des cris et une querelle ont été enregistrés, alors que Sözcü avance que des dialogues, mais pas de cris, peuvent être entendus dans cet enregistrement de "quelques minutes".

Le journal turc proche du gouvernement Sabah affirme quant à lui que la montre de Jamal Khashoggi a enregistré son "interrogatoire", les "tortures" qu'il a subies et son "meurtre" à l'intérieur de la mission saoudienne. Selon le Washington Post, Ankara a dit aux Etats-Unis détenir des enregistrements audio et vidéo montrant comment Jamal Khashoggi avait été "interrogé, torturé puis tué" à l'intérieur du consulat, avant que son corps ne soit démembré. Riyad a affirmé que les caméras du bâtiment ne fonctionnaient pas ce jour-là.

D'après la police turque, un groupe de quinze Saoudiens était arrivé en avion le 2 octobre à Istanbul, et, assurent des médias turcs, ces hommes étaient ensuite allés tuer le journaliste avant de quitter la Turquie.

Le 14/10/2018 à 07h58