Premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié, le petit émirat a mobilisé ses richesses pour amortir le choc sur son système financier, sécuriser des approvisionnements alimentaires alternatifs et utiliser d'autres itinéraires maritimes pour ses importations et aériens pour le transport de passagers, selon des rapports.
Le 5 juin 2017, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte ont brusquement rompu leurs relations avec le Qatar, accusé malgré ses démentis de "financer le terrorisme", et ont imposé un blocus terrestre, maritime et aérien à cet Etat qui fait pourtant partie du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Il a aussi été reproché à Doha de se rapprocher de l'Iran chiite, principal rival régional de l'Arabie saoudite sunnite.
Les adversaires du Qatar, qui étaient en difficulté en raison du recul des prix du pétrole, ont eux-mêmes subi des pertes du fait de la crise, selon des analystes. Les programmes d'intégration des économies des six pays du CCG (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats, Koweït, Oman, Qatar), qui progressaient déjà très lentement, ont grandement souffert, alors que la survie même de ce groupement régional est remise en cause.
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Pour le Qatar, "le pire de la crise" est "passé", a déclaré l'institut Capital Economics dans un rapport en mai. Doha a injecté des dizaines de milliards de dollars dans son économie pour compenser la baisse des dépôts bancaires et réussi à ramener le secteur bancaire à la normale.
"La performance de croissance reste robuste" au Qatar, a estimé le Fonds monétaire international (FMI) dans son dernier rapport publié mercredi. "L'impact économique et financier direct" de la crise "a pu être géré". Malgré la baisse des recettes pétrolières, la croissance du Qatar s'est établie à 2,1% en 2017 et devrait atteindre 2,6% cette année, selon le FMI.
"L'économie du Qatar a souffert sur plusieurs fronts, car les nouvelles liaisons logistiques se sont avérées plus coûteuses à court terme", explique Andreas Krieg, professeur au King's College de Londres. "Cependant, le Qatar a réussi à transformer cette crise en opportunité", dit-il à l'AFP.
La diversification économique a fait un énorme bond en avant: Doha a ouvert le port Hamad pour contourner celui de Jebel Ali à Dubaï et des méga projets liés au Mondial-2022 de football se sont accélérés, note-t-il. Les exportations de gaz et de brut ont continué, fournissant des revenus vitaux pour le pays.
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Pour bien montrer qu'il faisait toujours affaire avec les Occidentaux, le Qatar a multiplié les contrats militaires avec les Etats-Unis (avions F-15), la Grande-Bretagne (Eurofighter Typhoon), la France (Rafale) et l'Italie (navires de guerre). Il négocie même avec Moscou l'acquisition d'un système de missiles S-400, ce qui rend les Saoudiens furieux. Les adversaires du Qatar, en particulier Riyad, ont eux-mêmes conclu des accords d'armement plus importants ces 12 derniers mois.
"Le Qatar a énormément puisé dans ses réserves (financières) et ses actifs d'investissement" au début du blocus, indique l'analyste Neil Partrick. Doha a réussi à s'en sortir grâce à l'Iran, la Turquie et Oman, pays avec lesquels il a multiplié les échanges.
Cependant, le blocus a eu des effets négatifs dans les secteurs de l'immobilier, du tourisme et du transport aérien, Qatar Airways étant susceptible d'annoncer d'importantes pertes en raison de changements d'itinéraires et de trajets plus longs. Selon Capital Economics, le nombre de visiteurs au Qatar a chuté de 20%, les vols à destination de Doha de 25% et les vols de Qatar Airways de 20%. Le tourisme a perdu environ 600 millions de dollars au cours des six premiers mois de la crise et les prix de l'immobilier ont reculé de 10%.
M. R. Raghu, directeur de recherche au Kuwait Financial Centre, estime que Qatar Airways a perdu environ trois milliards de dollars de revenus. En outre, pour Andreas Krieg, "l'impact économique du blocus sur l'ensemble de la région ne doit pas être sous-estimé". "Les pertes dues à la perturbation du libre-échange se situent dans les dizaines de milliards de dollars pour tous les pays", dit-il.
Dubaï en particulier a subi des milliards de dollars de pertes dues au fait que les entreprises qataries ne sont plus en mesure d'y travailler et que les investissements qataris dans l'immobilier se sont taris, selon lui. Riyad et Abou Dabi ont aussi perdu leurs exportations alimentaires vers le Qatar. Paradoxe de cette crise, le gaz qatari continue de s'écouler vers les Emirats via un gazoduc.