Amnesty International vient de jeter un gros pavé dans la mare du pouvoir algérien. Dans son rapport annuel sur la situation des droits de l’Homme, diffusé ce jeudi 22 février, l’ONG basée à Londres reproche à Alger de n’avoir pris aucune mesure «pour ouvrir des enquêtes et combattre l’impunité en ce qui concerne les graves atteintes aux droits humains et les possibles crimes contre l’humanité, notamment les homicides illégaux, les disparitions forcées, les viols et les autres formes de torture, commis par les forces de sécurité et les groupes armés dans les années 1990».
Rien que ça? Alger est pointée du doigt non seulement pour son action afin de soustraire ses suspects à toute poursuite judiciaire en interne, mais sans doute intervient-elle aussi auprès de pays étrangers pour amener les juridictions de compétence universelle à renoncer à leurs poursuites.
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Une réalité affligeante que met en évidence le classement par la justice suisse, en janvier dernier, de l’affaire du général algérien à la retraite, Khaled Nezzar. «En janvier, la justice suisse a classé une enquête pour crimes de guerre, ouverte contre l’ancien algérien ministre de la Défense Khaled Nezzar pour des faits commis entre 1992 et 1994 en Algérie, la déclarant non recevable du fait de l’absence de conflit armé en Algérie à cette époque», relève en effet Amnesty International, dans son nouveau rapport annuel.
Affaire Nezzar: les procureurs suisses soumis à de fortes pressionsLe motif invoqué pour le classement de l’affaire de Khaled Nezzar par le Ministère public de la Confédération helvétique prête à suspicion: «absence de conflit armé en Algérie entre 1992 et 1994»! Une suspicion corroborée par cette levée de boucliers chez les procureurs suisses eux-mêmes, notamment ceux exerçant dans «l’unité crimes de guerre». Certains d’entre eux ne font aucun mystère des «pressions inacceptables» qu’ils ont subies dans au moins deux affaires sensibles: celle du général Khaled Nezzar qui faisait l’objet d’une action judiciaire pour crime de guerre et la procédure Sonko, qui vise l'ancien ministre gambien de l'Intérieur, emprisonné à Berne depuis plus d’un an.
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Ces pressions, indique une source fiable à le360, sont exercées à plusieurs niveaux. «Pour chaque acte d’instruction, le procureur chargé du dossier doit faire remonter ses décisions à la hiérarchie. Des affaires, sensibles politiquement, sont classées Orange par l’organe de contrôle interne du MPC (Ministère public de la Confédération helvétique)», explique notre source. «Lors de plusieurs réunions, il est souligné que les cas de crimes de guerre n’étaient pas la priorité du MPC»!
Vous avez bien lu: des crimes aussi graves que les crimes contre l’humanité ne sont pas la priorité du ministère public helvétique! De qui se moque-t-on, alors?
Face à cette pression exercée en amont, des procureurs suisses finissent par jeter l’éponge. C’est le cas de Stefan Waespi qui a démissionné après avoir subi une forte pression pour classer l’affaire Khaled Nezzar, soupçonné de crimes de guerre perpétrés du temps où il officiait en tant que ministre de la Défense (1990-1993).
D’autres procureurs ont carrément été débarqués, après avoir décrié la pression exercée par leur hiérarchie et le manque d’indépendance, à l’origine de fortes tensions au sein du Parquet général helvétique.