Algérie. Tiraillements profonds au sein de l’Armée, Khalid Nezzar en nouveau "Trump"

Khaled Nezzar et Gaïd Salah.

Khaled Nezzar et Gaïd Salah. . DR

Surfant sur les critiques dont le général Gaïd Salah fait l’objet, l’ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar vient d'adopter une stratégie de communication à la Trump, pour tenter de le briser une bonne fois pour toutes. Indiscrétions.

Le 14/07/2019 à 15h27

La poursuite du mouvement populaire de protestation, massivement suivi, contre le régime en place en Algérie dérange de plus en plus. Y compris au sein même de l’institution militaire, où des tensions et des tiraillements se font désormais ressentir. Principal responsable de cette division, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l'Armée Nationale Populaire (ANP) et nouvel homme fort de l’Algérie. Des critiques acerbes lui sont désormais adressées de la part de figures emblématiques de cette armée, à l’image de Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, lequel déploie une grande énergie pour l'abattre. Le tout, dans une véritable stratégie de communication qui lui permet à la fois de redorer son blason auprès des manifestants anti-Gaïd Salah et de contrer les visées hégémoniques de ce dernier.

Dans le cadre de cette stratégie, Khaled Nezzar, nous apprennent des sources sûres, s’est rattaché les services de Hamadouche Mehenna, en charge du journal électronique Algérie patriotique, lequel se trouve être, curieuse coïncidence, la propriété d’un certain Lotfi Nezzar. Celui-ci n’est d’ailleurs autre que le propre fils de Khaled Nezzar.

Dans son rôle de conseil, Hamadouche Mehenna a entre autres estimé que toute confrontation médiatique avec un général (Ahmed Gaïd Salah, en l'occurrence) qui a fait main basse sur les appareils judiciaire et sécuritaire risque de se révéler problématique, d’autant que l’opinion publique est actuellement également remontée contre la famille Nezzar, sous l’effet d’une campagne de discrédit qui est orchestrée de longue date, et avait été savamment menée lors de l’ère Bouteflika.

Mehenna considère ainsi que toute réaction directe de la part de Khalid Nezzar, notamment via Algérie Patriotique, contre Gaïd Salah sera interprétée comme une manœuvre opportuniste dont l’objectif n’est autre que de défendre les intérêts personnels de l’ancien ministre de la Défense.

Dans cette logique, Mehenna souligne que le recours à des médias comme Algérie patriotique, ou encore les quotidiens Al-Watan et Liberté, pour réagir contre Gaïd Salah exposera ces supports aux représailles de ce dernier. Le vice-ministre de la Défense n’hésitera pas s’en prendre à leurs équipes et à leur accoller des accusations fallacieuses, dont celle de l'atteinte à l’intérêt national. Pour cet homme, qui conseille Khaled Nezzar, perdre ces trois médias, érigés en porte-voix des protestants, serait «une erreur monumentale».

Mehenna a donc, en conséquence, jugé plus pertinent pour le journal électronique de maintenir son positionnement pro-manifestants et d’attendre le moment opportun pour «en finir avec Gaïd Salah, une fois [celui-ci] à genoux».

Hamadouche Mehenna estime en effet que les jours de Gaïd Salah sont comptés. Il a donc recommandé à Khaled Nezzar de mener une campagne de communication «à la Trump», soit en créant son propre compte Twitter, pour distiller ses messages. Algérie patriotique prendra ensuite le relais en veillant à amplifier ces messages à travers des médias algériens et étrangers. A charge pour le général Nezzar d'écrire des tweets réguliers et percutants contre Gaïd Salah.

C’est désormais chose faite. Khaled Nezzar a effectivement créé un compte Twitter pas plus tard que le 9 juillet dernier et a convenu d'une rencontre, confirment nos sources, deux jours plus tard, soit le jeudi 11 juillet, avec le même Mehenna, à Barcelone, pour discuter de la suite des évènements à venir, bien entendu loin des oreilles indiscrètes d'Ahmed Gaïd Salah. 

Toutefois, l'on sait que Mehenna a recommandé à Nezzar de rallier le Forum du dialogue social, conduit par Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication, que le conseiller a qualifié de «crédible», en mesure de sortir l’Algérie de son actuelle impasse politique. S’il n’est pas du tout sûr (et c'est un euphémisme) que Khaled Nezzar soit l’homme de la situation, une chose est aujourd'hui certaine: la guerre au sein l’armée algérienne ne fait que commencer.

Par Youssef Bellarbi
Le 14/07/2019 à 15h27