"Pour peu que Dieu lui prête vie, Bouteflika briguera à coup sûr un cinquième mandat", assure à l'AFP Mohamed Hennad, professeur de sciences politiques à l'université d'Alger. Dans les chancelleries occidentales, un 5e mandat du chef de l'Etat, au pouvoir depuis 1999 et détenteur du record de longévité à la tête de l'Etat algérien, est désormais une quasi-certitude, assure un diplomate étranger en poste en Algérie.
"Tous les signes extérieurs tendent à prouver qu'à la tête de l'Etat algérien, un très petit groupe de personnes très puissantes pousse en faveur d'une réélection du président en place", affirme Pierre Vermeren, professeur d'histoire contemporaine à Paris-I. Groupes religieux, régionaux, culturels et partis politiques apparaissent "totalement marginalisés" et "il semble ne pas y avoir de contre-pouvoir à la tête de l'Etat", susceptible d'empêcher un 5e mandat, poursuit ce spécialiste du Maghreb.
Le Pr Hennad ne voit que deux cas où le président sortant ne se représentera pas: s'il "se retire -hypothèse improbable (...)- ou s'il est déclaré inapte avant le scrutin, chose impensable pour le moment". Car la santé de Abdelaziz Bouteflika, affaibli par les séquelles d'un AVC remontant à 2013, continue de faire l'objet de multiples spéculations. Ses apparitions, en fauteuil roulant, sont rares et il ne s'exprime plus en public.
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Ce qui n'a pas empêché son parti, le Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique) et son principal allié, le Rassemblement national démocratique (RND), de l'appeler de façon insistante depuis avril à "poursuivre sa mission". Ont suivi, entre autres, les islamistes du Rassemblement de l'Espoir de l'Algérie (TAJ), autres alliés, ou la centrale syndicale UGTA, l'ancien syndicat unique. "Ce qui a été tenté et réussi peut être réédité", souligne Pierre Vermeren, rappelant "le précédent de la dernière campagne" présidentielle de 2014, animée par les proches d'un Bouteflika invisible mais réélu haut la main (81,5% des suffrages).
Peu audibles pour l'heure, les opposants sont tout aussi convaincus qu'un 5e mandat est désormais inéluctable. Il ne fait "aucun doute que le président Bouteflika veut finir ses jours au pouvoir" et les appels du camp présidentiel visent à "neutraliser d'éventuelles autres candidatures", estime Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid (Nouvelle génération) et l'un des principaux pourfendeurs du 4e et désormais du probable 5e mandat.
Le récent et soudain limogeage du tout-puissant chef de la police, le général Abdelghani Hamel, sans motif officiel, rappelle également les remaniements au sein des puissants services de renseignements quelques mois avant la présidentielle de 2014. "C'est le ménage avant l'élection", résume le diplomate étranger, pour qui l'éviction du général Hamel vise à annihiler les ambitions de celui-ci, souvent présenté comme un des successeurs possibles du chef de l'Etat.
En congédiant le général Hamel, le président Bouteflika "réaffirme que c'est lui le chef, le seul", ajoute Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) de Genève, qui y voit "le début précipité de la campagne présidentielle".
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Autrefois tout-puissants et "faiseurs de rois" en Algérie, "l'armée et les services de renseignement n'ont pas disparu, ni les grandes forteresses économiques", note Pierre Vermeren, mais ils semblent "neutralisés ou tenus en respect" par "les plus puissants cadres de la présidence".
S'il est candidat, même diminué, la victoire ne devrait pas échapper à Abdelaziz Bouteflika, considéré comme l'artisan de la réconciliation nationale post-guerre civile (1992-2002). Ce malgré un 4e mandat marqué par de douloureuses difficultés économiques et sociales, dans ce pays de 40 millions d'habitants: l'économie souffre de la chute des prix du pétrole et le chômage des jeunes reste massif (30%).
"Les Algériens veulent éviter à tout prix l'aventure politique ou le chaos qu'ils ont déjà traversé", souligne Pierre Vermeren, en référence à la "décennie noire", née de l'annulation en 1992 par l'armée des législatives remportées par les islamistes. Mais le taux d'abstention (50% en 2014) pourrait connaître un nouveau record.
Que Abdelaziz Bouteflika soit candidat ou non ne changera in fine pas grand-chose, le système en place étant amené à perdurer, estiment enfin plusieurs analystes. En attendant, "le dernier mot revient à Bouteflika qui n'a pas encore répondu à notre demande de le voir poursuivre sa mission", a souligné samedi le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès. En 2014, Abdelaziz Bouteflika n'avait annoncé sa candidature que deux mois avant le scrutin.