Algérie, les signes très inquiétants d’une dérive autoritaire

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Un chef de parti sous mandat de dépôt, un youtubeur arrêté, des journalistes suspendus, des manifestants arrêtés, des pancartes saisies… La bande menée par Gaïd Salah est-elle en train de basculer vers la répression? Décryptage.

Le 13/05/2019 à 13h05

Ce qui était redouté au départ va-t-il finir (qu’à Dieu ne plaise!) par arriver? Les indices envoyés depuis Alger ne sont guère rassurants. Les images de Louisa Hanoune (SG du Parti travailliste), remontant il y a quatre jours les marches du tribunal militaire de Blida pour être auditionnée par un magistrat en uniforme vert-kaki, ont été exprès retransmises en boucle par l’ENTV (télévision publique), avant de se répandre comme un feu de pré sur la centrifugeuse des réseaux sociaux.

Un acte orchestré avec préméditation dans les couloirs feutrés de l’état-major de l’ANP pour installer un climat de terreur parmi la classe politique. Une classe que le Général-président, Gaïd Salah, voudrait châtier pour son rejet de l’offre de «dialogue» avec Bensalah en perspective de la présidentielle du 4 juillet prochain.

Gaid Salah a beau prétendre que «la justice est souveraine et indépendante», que cette justice ne fonctionne pas au téléphone, tout laisse penser toutefois que la «chasse aux sorcières» organisée est le fait de son oeuvre. Le Général 4 étoiles ne s’embarrasse même pas de forme pour garder les leviers de commande, quitte à mobiliser la justice militaire pour intimider des politiques qui auraient "tort" de ne pas «rentrer dans les rangs» et faire le jeu de la mafia... 

Hier encore, le Général-président a fait arrêter son ancien "frère d’armes", le général Benhadid, qui a été traduit, lui, devant le tribunal civil de Sidi M’Hamed, à Alger. En cause, une lettre que ce général a adressée dernièrement à Gaid Salah pour lui rappeler que le rôle de l’armée devait être circonscrit aux casernes et que cette armée devait être tenue à l’abri du jeu politique. Rien que pour cela, Benhadid s’est vu prêter l’intention de vouloir «déstabiliser l’armée»!

Accusation d’autant plus grave qu’elle rappelle, toute proportion gardée, les faits reprochés dernièrement à Saïd Bouteflika, à l’ancien tout puissant chef du Département de renseignement et de sécurité (DRS), le Général Toufik, et son ex-bras droit, le Général Athmane Tartag.

En procédant ainsi, le chef d’état-major de l’ANP, Gaid Salah, a donné la (fausse) impression d’interagir avec les revendications du peuple, alors que son but était réellement de se débarrasser de trois encombrants obstacles devant sa volonté vorace de renforcer sa poigne sur le pouvoir, avec la bénédiction de pas moins de vingt Généraux tout aussi prédateurs les uns que les autres, dont le chef d’état-major de la Gendarmerie, Belkaçir.

Autre signe, et il est autrement grave. Le Général Gaïd Salah risque de battre en brèche ce slogan arboré depuis le tout début des manifestations antisystèmes, le 22 février dernier: «Jeich, chaâb, khawa khawa» (L’armée et le peuple, sont des frères!). Plusieurs cas d’arrestations ont en effet été enregistrés dernièrement parmi les manifestants. Motif d’arrestation: avoir arboré des pancartes appelant au départ du Général Gaïd Salah!

Et ce n'est pas tout! Des journalistes télés ont été suspendus. Le «crime» reproché à ces confrères serait de s'être montré "assez solidaires" de cette revendication que tout le peuple algérien ou presque fait désormais sienne: le départ du Général Gaïd Salah!

Par M'Hamed Hamrouch
Le 13/05/2019 à 13h05