Au pouvoir depuis deux décennies, Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, met fin à des mois de spéculations le 10 février 2019, en annonçant qu'il briguera un cinquième mandat lors de la présidentielle du 18 avril, malgré un accident vasculaire cérébral (AVC) l'ayant considérablement affaibli depuis 2013.
"Bien sûr, je n'ai plus les mêmes forces physiques qu'avant, chose que je n'ai jamais occultée à notre peuple". "Mais la volonté inébranlable de servir la Patrie ne m'a jamais quitté et elle me permet de transcender les contraintes liées aux ennuis de santé auxquels chacun peut être un jour confronté", écrit-il.
Douze jours plus tard, le vendredi 22 février, des dizaines de milliers de personnes, répondant à des appels lancés par des anonymes sur les réseaux sociaux, manifestent dans plusieurs villes d'Algérie contre ce ciqnuième mandat. A l'exception de quelques affrontements à Alger -jets de pierre de manifestants contre tirs de gaz lacrymogènes de forces de l'ordre-, aucun incident notable n'est signalé.
Lire aussi : Entre frustrations et "humiliation", voici les raisons du ras-le-bol de la rue algérienne
"Pas de cinquième mandat!", "Ni Bouteflika, ni Saïd!" (le frère du chef de l'Etat, souvent perçu comme son successeur potentiel) scandent les manifestants, des jeunes hommes pour l'essentiel, à Alger, ville où les manifestations sont interdites depuis 2001.
Le lendemain, un candidat déclaré à la présidentielle, l'homme d'affaires Rachid Nekkaz, est contraint par la police de quitter la capitale, après y avoir attiré des centaines de personnes. Il s'était rendu dans le centre d'Alger pour y récolter une partie des 60.000 parrainages d'électeurs, nécessaires pour présenter sa candidature.
Le 24, des centaines de personnes manifestent à Alger, malgré un important dispositif policier, à l'appel d'une association opposée au cinquième mandat. A Paris, où vit une importante diaspora algérienne, des centaines de manifestants brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire "Pouvoir assassin" ou "Système, dégage".
Lire aussi : Média français: pourquoi l'Algérie est "le cauchemar de Macron"
Des journalistes de la radio nationale fustigent le silence imposé par leur hiérarchie sur ces manifestations, dénonçant le "traitement exceptionnel" réservé au camp du président Bouteflika. La radio et la télévision publiques ont en effet largement passé sous silence les manifestations.
Une rédactrice en chef de la radio nationale, qui avait déjà démissionné de ses fonctions pour protester contre cette absence de couverture, annonce dans la foulée que l'émission qu'elle animait a été supprimée par la direction de ce média.
Le président Bouteflika quitte l'Algérie pour un "court séjour" à Genève, où il doit subir des "examens médicaux périodiques". Il s'y trouvait toujours mercredi 27 février, selon La Tribune de Genève.
Le 25, le Premier ministre Ahmed Ouyahia écarte implicitement l'hypothèse d'un renoncement de Abdelaziz Bouteflika en affirmant que les "urnes trancheront". "Les élections auront lieu dans moins de deux mois et chacun choisira librement", dclare-t-il, mettant en garde "contre les risques de dérapages sérieux".
Lire aussi : Politologue: qui tire (vraiment) les ficelles de la candidature de Bouteflika?
Le 26, environ 500 étudiants se regroupent aux cris de "Non au cinquième mandat!", "Bouteflika dégage!", "Algérie libre et démocratique", à l'intérieur de la "fac centrale" à Alger. Ils sont ensuite plusieurs milliers à marcher pacifiquement dans le centre de la capitale.
De nombreux rassemblements sont rapportés par des médias ou sur les réseaux sociaux, tant dans l'agglomération d'Alger que dans plusieurs villes du pays.
La candidature de Abdelaziz Bouteflika sera déposée le 3 mars, annonce dans le même temps son directeur de campagne, Abdelmalek Sellal.
Reporters sans frontières (RSF) accuse de son côté les autorités de chercher à "museler" les médias. L'ONG évoque "interpellations, agressions, interdiction de couvrir, confiscation de matériel, pressions sur les médias publics et ralentissement du réseau Internet" depuis le début des manifestations.
Ce jeudi 28 février, une dizaine de journalistes algériens participant, aux côtés de confrères, à un sit-in contre "la censure" sont interpellés à Alger.
Alors que les autorités brandissent souvent le spectre de la "décennie noire" (1992-2002) pour appeler les protestataires à la raison, au parlement, le Premier ministre Ahmed Ouyahia fait également référence au drame du conflit syrien lors d'un discours au Parlement.
"Des manifestants heureux ont offert des roses aux policiers. Mais rappelons-nous ensemble qu'en Syrie, ça a commencé aussi avec des roses", a déclaré Ahmed Ouyahia devant les députés.