En ce début de l’année 2019, selon le calendrier grégorien, nous nous situons, selon le calendrier amazigh, en l’an 2969.
S’agissant du jour précis du passage à la nouvelle année… il faudra repasser. En effet, si Yennayer est fêté depuis quelques décennies dans tout le Maghreb, impossible à ce jour de se mettre d’accord entre voisins sur une date commune.
Résultat des courses, en Algérie, on fête Yennayer le 12 janvier tandis qu’au Maroc on lui préfère le 13 janvier.
Aux origines d’une invention modernePour mieux comprendre l’origine de cette journée, il faut se pencher sur le calendrier agraire utilisé traditionnellement en Afrique du Nord par les berbères depuis l’Antiquité.
Assimilé au calendrier Julien et employé, à l’origine, pour réglementer les travaux agricoles saisonniers, le calendrier berbère se démarque du calendrier lunaire musulman, qui ne tient pas compte des cycles des saisons. Par ailleurs, il existe un décalage de 14 jours entre calendriers Julien et grégorien.
Selon ce calendrier, la nouvelle année, soit le 14 janvier, est relative au premier jour de Yennayer (janvier), période qui s’étend du 14 janvier au 13 février et qui marque la fin des «Udan» ou «Lyali» en arabe, les nuits froides de Jember (décembre). Le premier jour de Yennayer, le 14 janvier, coïncide donc avec la fin de la période la plus froide de l’année que l’on décompose dans le calendrier agricole entre les 20 nuits noires, « udan iberkanen » suivies des 20 nuits blanches, « udan imellalen.»
C’est donc le passage à un climat plus clément que l’on fête le 13 janvier, veille du nouvel an, à travers le Maghreb. Traditionnellement, cette journée est accueillie par un repas de fête composé d’aliments spécifiques à la saison. Un couscous aux sept légumes est de mise ainsi que pois chiches, lentilles et dattes.
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La naissance du nouvel an ou la concrétisation du rêve d’un hommeDepuis l’Antiquité, la communauté amazigh célèbre donc la date du 13 janvier comme un rituel saisonnier. Le concept même de nouvel an sera inventé bien plus tard, dans les années 1980… à Paris.
C’est à l’Académie berbère, installée dans la capitale française, que l’on doit la nouvelle année célébrée aujourd’hui. En effet, l’institution décidera à cette période de décréter la fête saisonnière de Yennayer comme étant « le nouvel an amazigh ».
Mais encore faut-il donner un point de départ à tout cela. Le calendrier agricole des berbères se verra ainsi transformer en calendrier berbère à l’initiative de Ammar Negadi, écrivain algérien et précurseur du mouvement berbériste en pays Chaoui, en 1980.
S’inscrivant contre la culture panarabiste, Negadi caresse, de longue date, le rêve d’instaurer une «ère berbère», à l’image des ères chrétiennes et musulmanes. En intégrant l’Académie berbère à Paris, il devient l’un de ses membres les plus actifs et parvient à réaliser son rêve.
Après bien des années de recherche, le militant trouve enfin une date dans l’histoire qui pourrait correspondre à l’année zéro de la culture amazigh… l’an 950 avant Jésus-Christ.
L’avènement du premier Pharon berbèreEn fouillant dans l’histoire, à la recherche d’un évènement marquant, Ammar Negadi porte son choix sur l’an 950 avant J.-C., lequel correspond à la montée sur le trône d’Egypte d’un roi berbère, Sheshonq Ier, autrement nommé, Chachnaq, Cacnaq ou encore Sesonchôsis. On retrouve des références à lui dans la bible hébraïque, sous le nom de Sesaq ou Shishak.
Issu de la tribu lybienne des Mâchaouach, ce Pharaon berbère qui sera le fondateur de la XXIIème dynastie pharaonique égyptienne, est issu d’une longue lignée de personnages importants sous la dynastie précédente.
Cette tribu d’origine lybienne est bien connue des Egyptiens pour avoir fait partie des principaux peuples envahisseurs vaincus par Merenptah, fils et successeur de Ramsès II.
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Toutefois, une partie des membres des Mâchaouach s’infiltre pacifiquement à travers le delta du Nil, et fonde, au sein même de la XXIème dynastie égyptienne, une sorte de fief dirigé par les chefs des Mâ, diminutif de Machaouach. Officiant à des postes clés dans l’armée ou les institutions religieuses, ces ancêtres de Sheshonq Ier héritent de père en fils de titres prestigieux à la cour royale, dont celui de Grand chef des Mâ.
C’est ainsi que devenant de plus en plus influents au fil des ans, leur descendant Sheshonq Ier parviendra à monter sur le trône et à fonder la la XXIIème dynastie qui marquera le début des dynasties berbères dites « dynasties lybiennes » en Egypte Antique. Mais ne devient pas Pharaon qui veut. Sheshonq parvient à réaliser un véritable tour de force pour monter sur ce trône sacré.
Il se servira de son premier fils et successeur, Osorkon Ier, né de son mariage avec sa première épouse Karoma Ière.
Pour s’allier à la famille royale, il parvient à unir son fils Osorkon à la propre fille de Psousennès II, dernier Pharaon de la XXIème dynastie. C’est à la mort de celui-ci, qu’il prend le pouvoir en montant sur son trône et en s’imposant comme Pharaon.
Sheshonq Ier, à qui les égyptologues confèrent une vingtaine d’années de règne, entre 945 et 924 avant J.-C., s’est par ailleurs démarqué par sa campagne réussie en Canaan. Ces exploits guerriers se trouvent être gravés sur le portail Bubastite, dans la ville de Karnak. La XXIIème dynastie fondée par Sheshonq Ier règnera sur l’Egypte jusqu’en 715 avant J.-C.