États-Unis: polémique après le lancement par le géant Macy's d'une ligne de vêtements islamiques

Image Source: Joseph Chen

La chaîne américaine de grands magasins Macy's a annoncé récemment le lancement de sa propre collection de vêtements destinée aux femmes musulmanes. Les réactions sont mitigées.

Le 06/03/2018 à 10h40

Entre partisans et opposants, cette décision reflète l'intention du distributeur US de se positionner sur le marché de la mode musulmane en plein boom.

Le 15 février, l’enseigne, dont le siège social est basé à New York, a lancé sa ligne de vêtements, baptisée «Verona», qui inclut des robes et jupes maxi, des pantalons larges et des foulards teints à la main pour des prix allant de 12,95 à 84,95 dollars la pièce. La collection créée par Lisa Vogl, une photographe de mode qui s’est convertie à l’Islam, est disponible en ligne dans un premier temps.

«La collection ambitionne de rendre disponibles des articles versatiles et confortables de tous les jours», a indiqué, dans un communiqué, Cassandra Jones, vice-présidente principale de Macy's Fashion, estimant que cette initiative «témoigne des efforts de l’entreprise pour offrir un produit unique aux femmes en quête d'options de vêtements modestes à la mode".

Macy's emboîte ainsi le pas à d’autres enseignes qui, conscientes de l'enjeu économique que représente le marché lucratif de l’habillement musulman, ont commencé à adapter leurs collections.

A titre d’exemple, le géant du sportswear «Nike» a annoncé la mise en ligne d’un hijab adapté à la pratique du sport, alors que la marque d'habillement américaine et le détaillant d’accessoires «American Eagle» a commencé à vendre des hijabs en jeans, "sold-out" en quelques jours. Pour sa part, la marque DKNY, le label de la styliste new-yorkaise Donna Karan, a lancé des collections spéciales pour le mois du ramadan depuis 2014.

L’Amérique n’est pas le seul pays à convoiter ouvertement le marché grandissant et prometteur de la "mode modeste", qui a déjà séduit plusieurs enseignes mondiales, du «casual chic» comme Uniqlo, H & M, et Zara, aux marques de luxe telles que Dolce & Gabbana et Oscar de la Renta. Même la chaîne de magasins britanniques Marks&Spencer a mis en vente, en 2015, des maillots de bain islamiques «Burkinis».

Le choix de s'engouffrer dans le créneau de l’habillement des femmes musulmanes portant le hijab s’avère une démarche extrêmement lucrative. Selon le rapport Global Islamic Economy de Thomson Reuters, la communauté musulmane mondiale a dépensé 254 milliards de dollars en vêtements et chaussures en 2016. Ces dépenses devraient atteindre les 373 milliards de dollars en 2022.

Selon une étude publiée en 2014 par l'American Muslim Consumer Consortium (AMCC), une organisation à but non lucratif dédiée au développement du marché de consommation musulman aux États-Unis, environ 9 millions de musulmans vivent en Amérique du Nord avec un pouvoir d'achat d’environ 100 milliards de dollars.

"Il est temps que cela se passe aux États-Unis", se réjouit Sabiha Ansari, fondatrice de l’AMCC, estimant qu’une possible progression du bénéfice net de Macy's en raison de son investissement dans la mode du vêtement islamique, pourrait inciter d’autres distributeurs à réaliser l’intérêt économique d’investir dans ce marché de niche et «les encourager à prêter attention à ce groupe démographique».

La commercialisation d’une ligne de vêtements à destination des femmes musulmanes serait, pour Macy’s, l’opportunité en or pour capitaliser sur ce marché robuste et inexploité aux États-Unis au moment où la chaîne de grands magasins souffre de la désaffection des Américains pour les centres commerciaux et de la forte concurrence des distributeurs en ligne. En novembre dernier, le distributeur américain a annoncé que les ventes en magasin ont nettement diminué pour le onzième trimestre consécutif. Ces résultats décevants ont entraîné la fermeture d’une centaine de ses magasins à travers le pays.

L’emballement récent de Macy’s autour de la mode islamique a suscité une vive controverse chez le public américain. Tandis que certains ont salué l’annonce de la nouvelle collection, en la qualifiant de pas vers «davantage d’inclusion et de diversité» au sein de la société, d’autres se sont insurgés contre la nouvelle ligne de vêtements en raison, notamment, de la commercialisation du hijab, qu’ils qualifient de «symbole d'oppression féminine». Pour les plus cyniques: ce n’est que le résultat de l’exploitation d’une manne à la logique strictement financière!

Le 06/03/2018 à 10h40