C’est une question qui taraude le top management des banques de la place, y compris du côté de l’instance de régulation, Bank Al-Maghrib.
Le rythme de croissance des dépôts bancaires a sensiblement baissé ces dernières années au Maroc, passant de 6,5% en 2014-2015 à seulement 3 à 4% depuis juin 2018.
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«Si on part du principe selon lequel les dépôts devraient croître au même rythme que l’économie, ils devraient augmenter de 5 à 6%, au lieu de 3 à 4%», soutient Ismail Douiri, DG du groupe Attijariwafa bank, en réponse à une question de Le360 lors de la présentation des résultats semestriels, lundi 23 septembre 2019.
Parallèlement à la décélération des dépôts bancaires, le cash gagne du terrain au Maroc. En l’espace de cinq ans, le volume additionnel annuel de la monnaie fiduciaire est passé de 10 milliards de dirhams à 17 milliards de dirhams, souligne le wali de Bank Al-Maghrib, interpellé à ce sujet lors de son habituel point presse, mardi 24 septembre, à l’issue de la dernière réunion du conseil de la banque centrale.
Ceci explique sans doute cela, la lenteur des dépôts est directement liée à l’expansion de la monnaie fiduciaire (cash). Le président du groupe Attijariwafa bank, Mohamed El Kettani, reconnaît à son tour l’existence d’un phénomène de «rétention d’argent frais». Mais l’expliquer, dit-il, «est une autre paire de manche».
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«D’un point de vue théorique et conformément à la théorie Keynésienne, la décélération des dépôts pourrait s’expliquer en partie par un effet de substitution entre un placement rémunérateur (bancaire ou autre) au profit d’un comportement de thésaurisation (soit des liquidités qui quittent le circuit économique) dont l’ampleur dépend des opportunités de spéculation qui se présentent au sein d’une économie », explique Yasser Tamsamani, économiste affilié à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Dans ce schéma précisément, les agents économiques peuvent être amenés à choisir ce comportement spéculatif, incités en cela par la stratégie d’augmentation ou de maintien des marges des banques.
Lors de sa réunion avec le Groupement professionnel des banques du Maroc, en avril dernier, le wali de Bank Al-Maghrib, cherchant à mieux cerner ce phénomène, affirme avoir demandé au secteur bancaire de mener des actions de proximité avec leurs clients, aussi bien les MRE que ceux résidant au Maroc. Néanmoins, indique Abdellatif Jouahri, le volume des billets de banque étrangers reçus auprès du secteur bancaire jusqu’à fin août 2019 reste proche de celui observé ces dernières années.
Plusieurs facteurs seraient à l’origine de la décélération des dépôts bancaires. Le wali Jouahri n’exclut pas l’effet du nouveau dispositif légal de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Appelées à faire preuve de vigilance, les exigences des banques sont de plus en plus lourdes, notamment en matière d’identification de la clientèle, l’origine des fonds, la destination des fonds, etc.
Faut-il voir également dans ce phénomène l’effet du durcissement du contrôle fiscal, en lien avec l’opération de régularisation menée en 2018 par la direction général des impôts auprès des professions libérales?
«Si, avec le discours ambiant, les gens se disent que l’administration fiscale va intensifier les recoupements, en utilisant notamment le big data et autres, et que les banques vont transmettre l’information au fisc, les gens peuvent être amenés à se prémunir en déposant moins de fonds dans leurs banques», estime Fouzi Mourji, économiste à l’université Hassan II à Casablanca.
Le durcissent du contrôle fiscal sur les dépôts bancaires, ajoute de son côté, Yasser Tamsamani, devrait inciter les agents à revoir la composition de leur panier d’actifs et à replacer leur argent là où ça rapporte le plus en termes net (après déduction d’impôt). Autrement dit, si le coût d’opportunité du dépôt bancaire augmente suite à un durcissent fiscal comparativement à d’autres types de placement, il faudrait s’attendre à un effet de substitution en faveur d’actifs (immobiliers, boursiers, assurance vie, etc). Or, il se trouve qu’aucune hausse notable n’a été signalée au niveau des transactions boursières ou immobilières, laquelle hausse présagerait l’existence d’un lien de cause à effet avec la baisse des dépôts bancaires. Dans ce cas, l’explication la plus plausible à ce phénomène est celle relative au comportement de thésaurisation et de méfiance des détenteurs du capital financier.
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Certains économistes évoquent aussi un problème de confiance et d’étroitesse des perspectives de croissance. En situation de baisse de revenu, explique Fouzi Mourji, on assiste souvent à un développement de l’épargne de précaution à très court terme: les gens anticipent une situation difficile et, par conséquent, fournissent un effort d’épargne plus important.
«La psychologie du Marocain reste très imprégnée par l’environnement rural et le climat. Dans les années 80, des études ont montré que les semaines qui suivent une chute des pluies, après une période de sécheresse, se traduisent par une augmentation des visites chez le médecin. Les ménages ont tendance à thésauriser et à prendre plus de précautions en période de sécheresse, quitte à se passer des services de leurs médecins», note l’économiste Mourji.