L’économiste Fouzi Mourji déplore le fait que, de manière générale, le discours ambiant à la veille du rendez-vous des Assises de la fiscalité (prévues les 3 et 4 mai à Skhirat) soit dominé par la recherche de nouvelles niches et exonérations. «Très peu de contributions se soucient de la question de la mobilisation des ressources pour pouvoir assurer le rôle régalien de l’économie», constate l’économiste.
Plusieurs institutions, notamment la CGEM, le Cercle des fiscalistes du Maroc, le think tank Al Mountada, ont formulé l’idée de déduire du revenu de base imposable les dépenses de scolarisation des enfants dans des établissements privés. Pour les partisans de cette proposition, cette défiscalisation est méritée, dans la mesure où les ménages qui en bénéficieraient ne «profitent» pas de l’école publique.
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L’économiste Fouzi Mourji remet en question ce raisonnement lequel, selon lui, omet quelques principes fondamentaux, en particulier celui de l’universalité de l’impôt et de la non affectation des ressources aux emplois.
«Ce n’est pas parce qu’une personne n’a pas l’occasion de voyager de Casablanca à Oued Zem, qu’elle ne doit pas cotiser à l’impôt pour contribuer à la construction ou à l’entretien de la route qui relie ces deux villes. Nous cotisons à l’impôt parce que nous bénéficions de tout ce que notre système permet, à savoir la sécurité, l’accès aux diverses infrastructures, au système de la santé, à l’éducation, etc.», explique Mourji.
Il ajoute que l’on pourrait peut-être se poser des questions sur les moyens d’améliorer ces deux derniers services. Par exemple: comment mobiliser davantage de ressources, pour mieux rémunérer les instituteurs? Les pays qui ont réussi ont compris l’importance de la qualité de l’éducation dans le cycle primaire et lui accorde toute l’importance qu'elle mérite, à l'instar de la Suède.
Deuxième principe: l’école publique est ouverte à tous. «Les gens qui en ont les moyens et qui choisissent d’aller dans le privé doivent assumer leur choix», a-t-il ajouté.
Si cette mesure arrive à être actée, Mourji estime que ce serait un signal grave que les autorités enverraient à la population marocaine.
«Cela voudrait dire que l’on va inciter les parents, par le biais de l’exonération de l'IR, à scolariser leurs enfants dans le privé et à oublier l’école publique», met en garde l’économiste. Ce dernier invite donc à réfléchir au moyen d‘améliorer l’enseignement public, un enseignement que l’on critique beaucoup.
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«Il y a des personnes qui travaillent dans l’enseignement public et qui donnent des résultats très satisfaisants. Il n'y a qu’à voir les enfants qui réussissent le mieux au bac par exemple, et qui proviennent de villes parfois enclavées. Pourquoi ne pas réfléchir à mieux rémunérer les enseignants, comme ce qui se passe dans un pays comme la Suède, pour que le travail soit mieux fait dans l’école publique et qu’on n’ait pas besoin d’aller dans le privé», argumente l’économiste, par ailleurs co-auteur d’un mémorandum sur un modèle alternatif de développement au Maroc, récemment présenté lors d’un séminaire à l’Université Hassan II de Casablanca.
Cette proposition soulève également une question d’équité et de justice sociale. «Réduire l’impôt en déduisant la part du revenu imposable destinée à la scolarisation des enfants dans le privé se traduirait par une aggravation des inégalités. On donnerait davanatge à des gens qui sont déjà privilégiés», conclut Fouzi Mourji.