C'est effarant et c'est le ministre de l'Economie et des finances qui vient d'en faire le constat, à l'occasion des Assises de la fiscalité qui se tiennent ce vendredi et samedi à Skhirat: 50% des recettes des 3 impôts réunis (IR, IS & TVA) proviennent uniquement de 140 entreprises.
Ecoutons le ministre: "pour l’Impôt sur le revenu, 73% des recettes proviennent de l’IR sur salaires, contre 5% seulement de l’IR professionnel. La contribution moyenne d’un salarié est 5 fois plus importante que celle d’un professionnel. De même, 3% des professionnels seulement payent 50% de l’IR professionnel.
A l’évidence, cette situation est en contradiction avec le principe d’équité fiscale et devrait être changée en mettant en œuvre, dans les faits, la règle qui stipule qu’à revenus égaux, impositions égales.
Ces constats soulignent la nécessité d’œuvrer pour une contribution juste et équitable des professions libérales et du grand commerce en particulier par un élargissement de l’assiette. Cet élargissement permettra le réaménagement de l’IR et une meilleure prise en charge des dépenses sociales.
La logique veut que l’objectif soit de soutenir significativement la classe moyenne tout en préservant les grands équilibres macro-économiques.
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Le principe de lier toute détente future des taux au nécessaire élargissement d’assiette s’applique également à l’Impôt sur les Sociétés où 1% des entreprises seulement payent 80% des recettes de l’IS.
Cette très grande concentration fiscale ne peut s’expliquer par la seule concentration économique. En effet, 84 entreprises seulement payent 50% de l’IS. Ces mêmes entreprises ne représentent que 28% du chiffre d’affaire global et 40% de la valeur ajoutée totale.
Cette situation ne peut s’expliquer que par la non-conformité fiscale d’une grande partie des entreprises soumises à l’IS.
Par ailleurs, 2 entreprises sur 3 soumises à l’IS sont des déficitaires chroniques.
Dès lors, comment envisager sereinement la suppression de la cotisation minimale, présentée par la plupart des contributeurs aux Assises comme une ponction injuste et inéquitable?
La TVA est à son tour marquée par une grande concentration dans la mesure ou 50 % des recettes proviennent de 150 entreprises seulement.
L’étroitesse de la base imposable ne découle pas seulement du comportement des acteurs économiques mais, également, de manière plus structurelle, des incitations fiscales qui perdurent dans le Code général des impôts sans une évaluation précise et périodique de leur impact économique et social.
Le coût annuel global du dispositif incitatif fiscal actuel est estimé à environ 30 milliards de dirhams, soit près de 2,5% du PIB.
Le débat national sur la fiscalité qui a jalonné la préparation de ces Assises a convergé vers la nécessité de remettre à plat et de revisiter ce dispositif non seulement pour les problèmes d’iniquité qu’il pose mais également pour le déséquilibre qu’il pourrait générer pour le développement de certains secteurs.
Dès lors, l’approche d’encouragement des opérateurs économiques devrait être envisagée plus vers des dotations budgétaires plutôt qu’au moyen des exonérations fiscales.
De même, aucun secteur et aucune activité ne doivent rester en dehors du champ de l’impôt. Le principe est que tous les contribuables doivent déposer leurs déclarations même quand ils sont exonérés ou imposés au taux zéro.
L’un des enjeux stratégiques de la réforme, tel qu’il se dégage des travaux préparatoires des Assises et des nombreuses contributions institutionnelles et citoyennes, est bien celui de la simplification, la clarification, l’harmonisation et la lisibilité du texte fiscal. TOUT le texte fiscal.
Et c’est pour cela, que le système fiscal doit être revisité et interrogé, dans son intégralité et sa diversité, fiscalité de l’Etat, fiscalité locale et parafiscalité.
L’objectif est d’aboutir à la réduction et à l’harmonisation des bases d’imposition et des procédures fiscales dans le cadre d’un seul et unique code général des impôts.
Ceci est d’autant plus important qu’il faudrait simplifier la fiscalité aux petits commerçants et aux métiers de proximité qui souffrent actuellement du phénomène de «millefeuille fiscal» en mettant en place un système simple, unifié entre l’Etat et les collectivités territoriales, et incitatif à la conformité fiscale volontaire.
La réforme de la fiscalité locale prend également son importance compte tenu de l’objectif de consolider le processus de décentralisation et de régionalisation avancée et ce, à travers l’amélioration des ressources fiscales des collectivités territoriales.
La réussite de cette réforme présuppose une bonne gouvernance qui s’appuie sur une administration fiscale moderne, efficace et efficiente, réactive et agile, ouverte sur son environnement et ses partenaires, et garantissant une meilleure qualité de service au contribuable, dans le respect des valeurs d’équité, de transparence et d’éthique.
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Beaucoup d’avancées ont certes été réalisées, mais beaucoup reste à faire…C’est le constat objectif auquel vous étés arrivées et que je partage avec vous.
Dans cette direction, l’une des voies prometteuses est bien l’effort mené par l’administration fiscale pour rationaliser volontairement son pouvoir discrétionnaire et gagner ainsi la confiance du contribuable.
A titre d’illustration, l’unification du référentiel des prix des transactions immobilières constitue un bon exemple de cette orientation.
Je vous annonce, mesdames et messieurs, qu’un référentiel unifié des prix immobiliers élaboré sous la responsabilité commune de l’Agence de la conservation foncière, et de la Direction Générale des Impôts entrera en vigueur au cours de ce mois, pour Casablanca dans un premier temps. Il sera progressivement généralisé.
Ce référentiel des prix immobiliers sera actualisé chaque semestre, dans un cadre de concertation avec les professionnels, et devra refléter la réalité du marché en s’appuient sur les prix aux contrats.
Les travaux menés dans le cadre de la préparation de ces assises et de ces recommandations qui se dégageront durant ces deux journées, un pacte fiscal, social, inclusif et durable devra être conclu.
Ce pacte devra privilégier l’intérêt national aux intérêts catégoriels, et tenir compte des exigences du moment ainsi que de la nécessité de bâtir un système fiscal juste et équitable au service du développement de notre pays.
C’est dans cet esprit collectif, et fédérateur que nous allons réussir ensemble et reformer notre système fiscal. Ce système sera construit progressivement sur une période de cinq années à partir de la prochaine loi de finances".