SAMIR: est-ce le début de la sortie de crise?

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Le Conseil d’administration de la SAMIR du vendredi 11 septembre a décidé d’une augmentation de capital de 10 milliards de dirhams. Il a été également question de revoir le mode de gouvernance de la société. Une Assemblée générale extraordinaire est convoquée pour le 16 octobre.

Le 12/09/2015 à 16h17

Le Conseil d’administration de la SAMIR qui s’est réuni le vendredi 11 septembre 2015 a proposé à l’Assemblée générale extraordinaire (AGE) une augmentation de capital d’un montant de 10 milliards de dirhams. Cette AGE est convoquée le 16 octobre à 16h au siège de la société pour statuer sur cette opération.

Reste qu'aussi importante soit-elle, comparativement à ce qui a été annoncé auparavant, cette manne financière risque d’être insuffisante tant la SAMIR a accumulé des pertes au cours de ces dernières années et s’est fortement endettée.

En plus, en attendant l’AGE, on ne sait pas réellement qui va apporter ces 10 milliards de dirhams et quand est-ce que ces fonds seront mis à la disposition du raffineur pour que celui-ci puisse reprendre son activité.

Qui apportera les 10 milliards ?

En tout cas, il ne faudra pas compter sur les petits porteurs de la SAMIR qui détiennent 26,95 % du capital du raffineur du fait que ceux-ci sont échaudés par la dégringolade du cours de l’action et ont la certitude de ne pas toucher de dividendes d’ici plusieurs années. Depuis 2008, exceptée la parenthèse de 2013 (un dividende de 8 dirhams par action), la SAMIR n’a pas rétribué ses actionnaires à cause des investissements de modernisation de l’outil industriel et des pertes cumulées. Sur les trois dernières années, la SAMIR a réalisé des pertes d’un montant global de 3 milliards de dirhams. Rien que pour l’exercice 2014, la perte a été de 2,52 milliards de dirhams. Et cette année risque encore d’être beaucoup plus catastrophique. Au terme du premier semestre 2015, le raffineur a accusé une perte abyssale de 2,17 milliards de dirhams à cause de l’arrêt de maintenance quinquennal de l’outil industriel en janvier et février, suivi d’une baisse d’activité durant le semestre, entraînant une chute des ventes de 32 % et celle du chiffre d’affaires de 50 %. Et le second semestre a été marqué par l’arrêt du processus de raffinage.

A côté de ces actionnaires, il y a la holding Holmarcom qui détient 5,78 % du capital de la SAMIR et qui sera certainement appelée à mettre la main dans la poche pour ne pas voir sa participation dans le tour de table se diluer à la suite de cette augmentation de capital.

Du coup, la quasi totalité de cet apport d’argent frais doit venir de Corral Petroleum Holding du milliardaire saoudien qui contrôle 67,27 % du capital de la SAMIR. Ayant longtemps rechigné à mettre la main à la poche, Mohamed Houssain Sheikh Al-Amoudi s’est finalement résigné à injecter des fonds propres dans la SAMIR contraint par l’intransigeance des autorités marocaines. Ses rencontres avec les dirigeants des trois départements concernés par la crise de la société n’ont pas été fructueuses. Les autorités marocaines lui ont tout simplement demandé de prendre ses responsabilités et de remettre la SAMIR à flot. Reste à savoir s’il prendra en charge seule cette opération d’augmentation de capital et renforcer son contrôle capitalistique sur cette raffinerie. 

C’est dire que l’AGE des actionnaires du 16 octobre prochain risque d’être houleuse.

Une nouvelle équipe managériale

Par ailleurs, la problématique de la gouvernance de la SAMIR est désormais posée. Le communiqué de la société souligne que l’AGE est appelée à «étudier et recommander un nouveau mode de gouvernance ad-hoc conforme aux standards internationaux». Il s’agit là d’une réponse aux sollicitations des créanciers, mais aussi du personnel de la SAMIR. La gestion de Jamal Ba-Amer, actuel directeur général, est remise en cause et le mode de gouvernance devrait évoluer pour donner plus de gages aux actionnaires, notamment les petits porteurs, mais aussi l’Etat marocain du fait du rôle stratégique que représente la SAMIR. C’est dire qu’outre l’apport de fonds propres, le raffineur a besoin d’une nouvelle équipe managériale à même de lui redorer son blason et de rétablir la confiance avec actionnaires et créanciers.

Et la dette ?

Enfin, la question du règlement de la dette se pose avec beaucoup d’acuité. Si l’injection de liquidité devrait permettre à la SAMIR de renouer avec les importations du brut et donc de redémarrer son outil industriel, il n’en demeure pas moins que le remboursement de la dette colossal du raffineur constitue le plus gros défi à relever. Rien qu’au Maroc, cette dette dépasse les 25 milliards de dirhams. Outre les 9 milliards de dirhams du secteur bancaire, la SAMIR est appelée à rembourser 15 milliards de dirhams de dette et pénalités exigibles à l’Etat marocain. En tenant compte des autres dettes des fournisseurs locaux et étrangers, on avance une dette globale dépassant les 40 milliards de dirhams! Une manne colossale à laquelle la SAMIR ne peut faire face dans les conditions actuelles avec des résultats déficitaires.

C’est dire que peut-être qu’en contre partie d’une injection de 10 milliards de dirhams, Sheikh Al-Amoudi a pu négocier certains arrangements avec l’Etat. Sinon, on voit mal la société s’acquitter immédiatement de ses dettes vis-à-vis de l’Etat et échapper aux saisies demandées par la douane. En plus, comment l’outil industriel pourra-t-il redémarrer si une solution n’est pas trouvé avec l’Office des changes qui a interdit tout transfert de devises de la part du groupe ?

Le feuilleton de la Samir va continuer à tenir le microcosme économique et financier en haleine d’ici quelques semaines ou mois à venir !

Par Moussa Diop
Le 12/09/2015 à 16h17