Privatisation d'entreprises publiques stratégiques: pourquoi il faut s'inquiéter

L’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI). 

L’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI).  . DR

Le bureau exécutif de l’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI), réuni jeudi à Casablanca, s'est inquiété de la manière avec laquelle le gouvernement "se sépare, dans l’urgence, de participations publiques stratégiques", la dernière étant Maroc Telecom. Détails.

Le 29/06/2019 à 08h20

Dans un communiqué parvenu à la MAP, le bureau exécutif de l’AEI indique "que le désengagement total de l’Etat de certaines entreprises, telles que la COMANAV et La SAMIR, a malheureusement mal fini et conduit à la destruction de certains écosystèmes structurants pour notre économie avec la perte de milliers d’emplois".

La cessation d’activité de la COMANAV a, en effet, "privé notre pays d’un pavillon maritime national historique au moment où les besoins des MRE, notre commerce extérieur et nos infrastructures portuaires connaissent un développement sans précédent", regrette l'Association.

Avec la fermeture de la SAMIR, "notre pays se prive de son unique raffineur", d’une importante capacité de stockage de ses hydrocarbures et de tout un écosystème lié à l’industrie chimique avec d’importantes pertes d’emplois et de métiers dans ces secteurs, lit-on dans le communiqué.

"Les cessions programmées n'auraient pas soulevé d’inquiétude si leur produit venait soutenir une nouvelle approche pour un investissement public directement productif au lieu de compenser l’impasse budgétaire prévue pour 2019", a estimé la même source.

A contrario, l’émergence de nouvelles filières et de nouveaux écosystèmes tels que l’automobile, l’énergie, l’habitat, le tourisme, l’offshoring et la logistique et les milliers d’emplois qu’ils génèrent ne se serait jamais réalisée sans la contribution directe des capitaux publics.

Pendant ce temps, l’effort national d’investissement, essentiellement porté par les investissements publics a de moins en moins d’impact sur la croissance et sur la création d’emplois, a précisé la même source.

En effet, dans les années 2000, l’investissement de l’équivalent de 4 points de PIB générait quelques 30.000 emplois, aujourd’hui il en faut 7 points de PIB pour créer 10.000 emplois, explique le communiqué.

"Cette situation est aggravée par un recul de l’effet d’entrainement de l’investissement public sur le privé. Les gains de compétitivité que devaient générer les investissements en infrastructures sont soit préemptés par l’activité spéculative, soit insuffisamment accompagnés pour permettre une création de richesse pérenne et générer de l’emploi durable", selon l'AEI.

Dans ce contexte, l’Association a recommandé d’évaluer les résultats et impacts des investissements publics, réalisés dans le cadre de stratégies sectorielles ou territoriales, comparativement aux objectifs initialement définis, et de mettre en place l’ensemble des mesures correctives permettant d’améliorer l’impact en termes de création de valeur et d’emplois durables des investissements publics déjà réalisés.

L'AEI a aussi souligné l'importance de créer une structure nationale chargée de la gestion active des participations de l’Etat, faisant savoir que cette structure, qui peut prendre la forme d’une agence (ANPP), incarne l’Etat actionnaire dans des sociétés jugées stratégiques par les pouvoirs publics, contribuant ainsi au décollage de ces entreprises, à leur stabilisation et à leur développement.

Pour un programme national d’investissements productifs

L'Association a aussi mis l'accent sur la nécessité de mettre en place un programme national d’investissements productifs (PNIP), doté d’un budget conséquent à prélever sur les budgets d’investissement en infrastructures. Ce Programme aura pour vocation d’accompagner, par des prises de participation directes, l’émergence, le développement et la défense d’activités productives stratégiques et structurantes pour le tissu productif national.

Ce programme, combiné et adossé à l’ANPP, aura pour objectifs de normaliser et de professionnaliser l’approche d’investissement public, dans des activités à forte valeur ajoutée économique et sociale, dans le cadre de partenariats public-privé, de participer au financement d’investissements privés à un risque élevé et/ou fortement capitalistiques que le privé n’est pas en mesure de supporter tout seul et d'optimiser l’effet de levier pour d’autres sources de financement des secteurs productifs cibles.

Ledit Programme devrait progressivement s’autofinancer par une gestion stratégique, active, rationnelle et flexible de ses prises de participation.

La mise en place d'une version régionale de ce programme permettrait de doter les conseils régionaux de fonds dédiés pour attirer, stimuler et participer directement à la réalisation d’investissements productifs, générateurs d’emplois dans le cadre de partenariats publics-privés au niveau des régions, a estimé l'AEI.

L'association a jugé nécessaire de doter les Conseils régionaux de nouvelles assiettes foncières adaptées et exclusivement réservées à l’investissement productif de biens et services.

"L’introduction de ce Programme dans le cadre de la Loi de finances 2020 constituerait un premier pas vers une nouvelle politique économique, devant accompagner le nouveau modèle de développement que notre Pays attend toujours", conclut le communiqué.

Le 29/06/2019 à 08h20