Comment en est-on arrivé là? Du côté des banques, on explique cette situation par l’ampleur de la demande de cash, celle-ci aurait atteint des niveaux record. Cela est dû surtout au calendrier chargé des congés des banques cette semaine, lequel prévoit quatre jours fériés, soit un total de six jours chômés et payés, weekend inclus:
Weekend du samedi 18 et dimanche 19 août.Révolution du roi et du peuple, le lundi 20 août.Fête de la Jeunesse, le mardi 21 août.Aïd Al Adha, mercredi 22 et jeudi 23 août.
Entre, d'une part, ceux qui se dirigent aux Guichets automatiques bancaires (GAB) pour retirer les montants servant à l’achat du mouton de l’Aïd et, d'autre part, ceux qui cherchent à s’armer d’argent liquide pour sécuriser leurs vacances estivales (les MRE en particulier), les banques ont eu à gérer un afflux massif en un laps de temps très court.
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Pourtant, tous ces évènements, aussi bien l’Aïd que les deux fêtes nationales, étaient prévisibles. «Nous avons tout anticipé avec l’ensemble de nos partenaires. Nous nous y sommes suffisamment préparés. Depuis début août, nous avons boosté le rythme d’alimentation de nos guichets», explique Ismaïl Filali, directeur exécutif en charge des services et traitements Groupe chez Attijariwafa bank.
Un premier pic a été observé dans la semaine du 13 au 17 août (même s’il s’agit de jours ouvrés), une période marquée par le règlement à l’avance (à l’occasion de l’Aïd) des salaires des fonctionnaires, outre le versement par anticipation des pensions de plusieurs caisses de retraites (CNSS, CMR, CIMR, CNRA). «Le rythme de sollicitation des GAB a quasiment triplé, aussi bien en volume d’argent demandé qu'en nombre de clients de banques confrères», précise Ismaïl Filali.
Puis arriva la «guerre des six jours» coïncidant avec le congé des banques. Celles-ci ont dû faire face au pic du pic. «En six jours, du mercredi 15 au lundi 20 août, nous avons servi 1,6 million de clients, dont un tiers émanant de banques confrères». Le congé relativement long des banques a fait que les clients, par peur de tomber en panne de cash, se sont précipités aux GAB pour retirer des montants qui dépassent leurs besoins habituels.
Face à cet afflux inhabituel, les banques ont mis le paquet pour préserver la disponibilité du cash dans leurs guichets. Le siège, le réseau, les équipes techniques, les prestataires, toute une armée était mobilisée pendant le weekend dernier pour débloquer la situation. «Lundi matin. Pas moins de 500 collaborateurs ont été dépêchés pour alimenter au maximum les guichets touchés par cet afflux exceptionnel», affirme Filali.
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Malgré tous ces efforts, les gens ont continué à solliciter les guichets en retirant des sommes conséquentes. «35% des retraits de la journée de lundi émanaient des clients de banques confrères», renchérit Filali. Résultat: la veille de l’Aïd, sur les 1350 guichets d'Attijariwafa, 850 continuent d’assurer le service. Les clients qui ont l’habitude de retirer l’argent dans les trois ou quatre agences limitrophes vont devoir étendre le périmètre de leur recherche, espérant tomber sur un GAB liquide.
L’alimentation des GAB obéit à une procédure pointue et minutieusement préparée. L’argent doit être de qualité et minutieusement trié. Le transport de fonds vers les agences est confié à des sociétés dédiées (Brink’s, etc) qui utilisent des véhicules blindés pour des raisons de sécurité. Or, il est hors de question de mobiliser ces prestataires pendant les jours fériés, encore plus durant le congé de l’Aïd Al Adha.
De son côté, la Banque centrale a mis à la disposition des banques, une semaine avant l’Aïd, des séries de billets de banques appropriés, mais personne ne s’attendait à une demande d’une telle ampleur. Aux yeux de la communauté bancaire, les GAB étaient suffisamment servis pour pouvoir répondre aux besoins estimés au moins jusqu’à la prochaine alimentation prévue le vendredi 24 août (la demande est généralement faible le jour de l’Aïd et même le lendemain).
D’habitude, les banques utilisent des modèles statistiques pour évaluer les besoins de chaque GAB en se basant notamment sur la consommation naturelle en période normale. Il se trouve qu’au cours de cette période de pointe précédant l’Aïd Al Adha, les banques ont mis de côté ces modèles statistiques et ont veillé à alimenter tous les GAB jusqu’à leur capacité physique maximale (celle-ci s’élève à 1,5 millions de dirhams et peut dépasser ce montant si on met plus de billets 200 dirhams à la place des billets de 100 dirhams). C’est dire que tout a été fait pour éviter ce qui s’est finalement produit: une crise de cash sans précédent, provoquant un vaste mouvement de grogne chez les clients de l’ensemble des banques de la place.
L’un des principaux enseignements à retenir de cette crise de liquidité, la première dans son genre, c’est que les Marocains ont encore du mal à se passer du cash pour effectuer leurs transactions quotidiennes. Si par exemple les marchands de moutons, pour la plupart issus du monde rural (kessaba) étaient équipés de TPE, on aurait pu éviter cette pénurie d’argent liquide. Cela dit, rassurez-vous, tous les GAB du Maroc seront alimentés pour retrouver leur situation normale dès vendredi matin.