Grand format. Exclusif: le numéro Un de Bombardier Maroc explique l'avenir de l'avionneur dans le royaume

Le360

Dans cet entretien exclusif pour Le360, Stephen Orr, vice-président directeur général de Bombardier Maroc, évoque l’avenir de l’usine de Casablanca après sa mise en vente par l'avionneur, le sort de ses 400 employés, les engagements pris avec le gouvernement, etc. Le point dans ce Grand Format.

Le 15/05/2019 à 16h29

«Bombardier ne quitte ni le Maroc, ni l’Irlande du Nord». C'est par ces propos définitifs que Stephen Orr, vice-président et directeur général de Bombardier Maroc, a voulu réagir au flot de commentaires suscités par l’annonce, jeudi 2 mai dernier, de la mise en vente des activités aéronautiques du groupe canadien à Belfast (en Irlande du Nord) et à Casablanca.

Pour sa première sortie médiatique après cette annonce, le numéro un de Bombardier Maroc a accordé un entretien exclusif à Grand format, votre émission de débats sur Le360.

Stephen Orr revient de façon détaillée sur la nouvelle stratégie de l’avionneur canadien, aujourd’hui en proie à des difficultés financières, et dont le plan de redressement a franchi sa quatrième année. Suite à cela, Bombardier a décidé de consolider ses activités en deux entités uniques, Bombardier Transport qui fabrique du matériel roulant ferroviaire et Bombardier Aviation, nouvelle entité principalement dédiée aux avions d’affaires. «Pour ce faire, nous avons décidé de céder nos activités aérostructures du site de Belfast et de Casablanca dans une seule offre, avec l’intention de maintenir les produits de Bombardier dans les deux sites», explique Stephen Orr.

Les deux usines de Casablanca (400 emplois) et de Belfast (3600 emplois) ne seront donc pas fermées mais changeront de propriétaire, tout en continuant à alimenter les avions de la maison-mère.

«Bombardier et moi, personnellement, sommes très satisfaits de notre expérience au Maroc. Sous la direction de Sa Majesté le roi Mohammed VI et l’engagement de Moulay Hafid Elalamy, nous avons évolué dans un environnement très favorable et dans des conditions spéciales», reconnaît Stephen Orr. Le soutien du gouvernement a été à la hauteur avec la présence d’instituts de formation spécialisés en aéronautique et d'un capital humain jeune, bien formé, talentueux et qui apprend vite, a-t-il ajouté.

Autre avantage comparatif apprécié par le troisième constructeur d’avions à l’échelle mondiale, la structure des coûts manufacturiers à Casablanca, jugée très compétitive, ce qui a permis à l’usine de la métropole économique de gagner, conjointement avec le site de Belfast, un contrat très important, celui de l’inverseur de poussée de l’avion NEO A320 (Airbus).

«Notre présence au Maroc nous a permis d’être compétitifs à l’échelle internationale. Nous avons l’intention de continuer à développer notre chaîne d’approvisionnement locale afin d’accroitre notre compétitivité. Le site du Maroc continuera à jouer un rôle important dans la chaine d’approvisionnement de Bombardier», soutient Stephen Orr, pour lequel l’évolution de l’aéronautique au Maroc est un signe que le royaume est devenu un acteur important à l’échelle internationale.

Interrogé sur le processus de désignation du repreneur du site de Casablanca, le directeur génral de Bombardier Maroc affirme que son groupe vient d’annoncer son intention de céder et que ce processus en est encore à ses débuts.

«Nous allons communiquer dès que la situation évolue. Vu la taille des deux sites de Casablanca et de Belfast, le processus de vente prendra le temps nécessaire pour trouver un acheteur responsable et sérieux», souligne Stephen Orr.

Lors d’un point de presse, lundi 6 mai dernier, le ministre de l’Industrie et du commerce, Moulay Hafid Elalamy, a pourtant affirmé qu’un appel d’offres a été lancé par l’avionneur canadien et dont les résultats devraient être dévoilés dans un délai de trois semaines.

Le ministre de tutelle a même révélé une liste d’industriels qui seraient intéressés par le rachat des deux usines de Bombardier. Il s’agit de l’américain Spirit (proche de Boeing), du britannique GKN et d’Airbus.

De son côté, Le 360 a appris hier, mardi 14 mai, qu’un fonds d’investissement canadien, du nom d’ONEX fait également partie des candidats ayant manifesté leur intérêt pour l’usine de MidParc.

Interrogé à ce sujet, Stephen Orr, visiblement tenu par une clause de confidentialité, n’a ni confirmé ni infirmé ces informations. On n'en saura pas plus sur la nature du nouveau projet de développement qui sera confié par Bombardier au futur sous-traitant repreneur de l’usine casablancaise (en dehors de l’activité actuelle et de celle prévue dans le contrat de l’inverseur de poussée de l’A320 Neo).

Interpellé sur les engagements actés dans un mémorandum signé en 2011 avec les autorités marocaines (avec, à la clé, 850 emplois, 200 millions de dollars d’investissements, etc.), Stephen Orr estime que «Bombardier a démontré un engagement fort envers le Maroc et reste sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs et ses engagements». Avec les projets en cours, dit-il, les objectifs seront atteints, que ce soit avec Bombardier, ou avec un autre acteur.

Quid, alors, du sort des 400 emplois du site de Casablanca? Là encore, le représentant de l’avionneur canadien au Maroc se veut rassurant: «la mise en vente n’entraîne aucune suppression ou réduction d'effectifs. Nos employés sont rassurés et nous continuons à travailler comme d’habitude avec eux et avec nos partenaires sociaux», assure Stephen Orr, qui se dit très fier de ses équipes et de leurs performances en cette période de changement. «Quand je dis que notre site est de classe mondiale, cela veut dire que nous livrons nos produits avec un niveau de qualité très élevée, 100% à l’heure et en respectant nos objectifs financiers. En plus, nous avons dépassé 2 ans sans accident de travail», se réjouit le Vice président de Bombardier Maroc.

Pour Stephen Orr, ancien VP qualité de Bombardier Monde, la mise en vente de l’usine de Casablanca est une opportunité. «Le site est doté de gens talentueux qui continueront de jouer un rôle important dans la chaîne d'approvisionnement de Bombardier. Nous sommes convaincus que la décision de vente est une opportunité pour les deux sites qui méritent d'être développés par un acheteur qui va nous aider à atteindre notre plein potentiel de croissance», soutient-il.

Le contrat signé avec Airbus portant sur l’inverseur de poussée de l’A320 Neo promet de belles perspectives. «Le site de Belfast prendra en charge le design et la fabrication; le site du Maroc fera l’assemblage», est-il précisé.

L’une des missions confiées à Stephen Orr lors de sa nomination en 2014 à la tête de Bombardier Maroc était de développer un écosystème de fournisseurs locaux. Le secteur de l’industrie aéronautique compte aujourd’hui 140 équipementiers avec un taux d’intégration locale de 34%, un niveau qui dépasse les objectifs du Plan d’accélération industrielle, soit 30%. L’usine de Bombardier à Casablanca fait quant à elle appel à 1.600 références de pièces issues de fournisseurs locaux, soit un taux d’intégration légèrement inférieur à 20%.

A cet égard, Stephen Orr promet que l'avionneur canadien continuera «à développer [sa] chaîne d’approvisionnement local pour augmenter [son] taux d’intégration».

Par Wadie El Mouden avec Khalil Essalak et Khadija Sabbar
Le 15/05/2019 à 16h29