C’est un «hasard de calendrier» qui soulève bien des interrogations et renforce le flou autour de certains aspects du méga deal conclu par le groupe Saham la semaine dernière.
L’opération, qui est considérée comme la plus grosse transaction financière au Maroc depuis plusieurs années, bénéficie d’une mesure spécifique qui vient à peine d’être introduite par la Loi de finances 2018, élaborée sous l’égide du ministre RNIste des Finances, Mohamed Boussaid.
Comme il est expliqué dans la circulaire de la Direction générale des impôts relative aux dispositions de la LDF 2018, «avant l’entrée en vigueur (de cette dernière en janvier dernier, NDLR), les cessions d’actions ou de parts dans les groupements d’intérêt économique et les sociétés autres que les sociétés immobilières transparentes et les sociétés à prépondérance immobilière étaient soumises aux droits d’enregistrement au taux proportionnel de 4%». En d’autres termes, à chaque transaction portant sur des actions de sociétés non cotées et n’opérant pas dans le secteur immobilier, à l’instar de Saham, 4% du montant de la transaction devaient être reversés sous forme d’un droit d’enregistrement.
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Dans le cadre de la LDF 2018, et arguant une volonté de dynamiser le marché des capitaux mobiliers, les pouvoirs publics, et à leur tête le ministère des Finances, ont complété l’article 129-IV du Code général des impôts par un nouvel alinéa «portant exonération des droits d’enregistrement des cessions, à titre onéreux ou gratuit, des actions et parts précitées, à l’exception de celles visées aux articles 3-3° et 61-II du même code, à savoir les sociétés immobilières transparentes et les sociétés à prépondérance immobilière». Depuis le 1er janvier donc, le droit d’enregistrement de 4% sur les opérations de cessions d’actions de sociétés non immobilières est supprimé.
Le cas de Saham Finances, dont 53% du capital vont être cédés par le groupe Saham de Moulay Hafid Elalamy au Sud-Africain Sanlam pour plus d’un milliard de dollars, entre parfaitement dans le champ d’application de cette exonération. Si l’opération avait été conclue sans que la nouvelle mesure soit instaurée, elle aurait en effet donné lieu à l’obligation de paiement de plus de 40 millions de dollars, soit plus de 360 millions de dirhams, au titre dudit droit d’enregistrement.
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De quoi se poser des questions sur le timing choisi pour introduire cette mesure. D’aucuns, sur les réseaux sociaux notamment, en font d’ailleurs une polémique. Et pour cause, une mesure décidée par un ministre RNIste profite aujourd’hui à un groupe d’un autre ministre du même gouvernement… et du même parti politique.
Certes, dans la pratique, les droits d’enregistrement sont généralement supportés par les acquéreurs. Dans le cas du deal de Saham, c’est le groupe sud-africain Sanlam qui aurait dû s’acquitter des droits d’enregistrement auprès du fisc. Cependant, il est communément admis que tout acheteur dans des opérations pareilles tient compte de l’ensemble des coûts qu’il aura à supporter, y compris fiscaux, avant de se mettre d’accord avec son partenaire sur le prix qu’il aura à payer. Si l’exonération introduite par la Loi de finances 2018 n’avait pas été instaurée, le deal aurait sans nul doute porté sur un montant inférieur à celui annoncé. Du coup, Saham profite aujourd’hui indirectement de la suppression du droit d’enregistrement.
Cette affaire n’est pas sans rappeler un précédent qui a eu lieu sous l’ère du gouvernement Benkirane. Les ministres Boussaid et Elalamy avaient à l’époque été fustigés à cause d’une convention autorisant le groupe Saham à proposer une assurance agricole. A l’époque, le Parlement s’en était mêlé et la polémique avait tellement enflé que le groupe de Moulay Hafid Elalamy avait dû faire machine arrière et renoncer à profiter de ladite convention.