Dans un message diffusé sur son site web, la société gestionnaire de la Bourse de Casablanca explique que cette fermeture serait due à «l’indisponibilité du système de règlement des opérations qui est assuré par un établissement public pour qui la journée (du 7 juin) était fériée», allusion faite au Système des règlements bruts du Maroc (SRBM) relevant de la banque centrale. Bank Al-Maghrib n’a pas du tout apprécié cette justification qui, semble-t-il, ne dit pas toute la vérité sur le mode de dénouement des opérations en Bourse.
«Le règlement des transactions boursières se fait trois jours après le moment de la négociation. Les acheteurs et les vendeurs peuvent négocier et fixer le prix et le volume des titres à échanger, tandis que le dénouement se fait trois jours plus tard. Moralité, rien n’empêchait la Bourse de Casablanca d’ouvrir les négociations le vendredi 7 juin. Le SRBM n’a rien à voir avec la suspension des transactions», tient à préciser un haut responsable de Bank Al-Maghrib.
Autrement dit, la société gestionnaire de la Bourse de Casablanca aurait pu assumer le choix de suspendre les négociations au lieu de justifier son acte par l’indispensabilité du SRBM.
Interrogé par Le360, un dirigeant de la Bourse explique que si les négociations étaient ouvertes ce vendredi 7 juin, cela aurait eu pour effet de cumuler les transactions de deux jours ce qui provoquerait un goulot d’étranglement dans le système d’information.
C’est faux, rétorque-t-on du côté de Bank Al-Maghrib. «C’est juste une question d’organisation. Le fait de décaler le règlement/livraison ne doit en aucun cas freiner les transactions ou empêcher les investisseurs de négocier leurs deals. Quand il s’agit d’un jour férié, la règle veut qu’on décale le règlement au premier jour ouvrable suivant», poursuit notre interlocuteur à la Banque centrale.
Le SRBM est conçu de manière à parer à toute éventualité, y compris les pannes informatiques. «Le SRBM est habilité à enregistrer les données avant de les dénouer un jour plus tard. Mieux, il est en mesure d’opérer deux déversements le même jour», est-il précisé.
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Ce qui vaut pour les transactions boursières vaut aussi pour les opérations de change.
Contrairement à ce qu’ont rapporté certains médias, la fermeture du SRBM n’a pas empêché les salles de marchés des banques de négocier des deals sur le marché des devises. Sur ce dernier marché précisément, l’étape du règlement/livraison intervient deux jours après la négociation.
Certes, perdre une journée de Bourse au Maroc n’est pas si catastrophique pour un marché qui a du mal ces derniers temps à toucher le plafond de 50 millions de dirhams de volumétrie quotidienne.
Mais pour une place boursière qui aspire à l’internationalisation et qui s’est lancée dans bon nombre de projets d’interconnexions avec les bourses du reste du monde, se permettre le luxe de suspendre les négociations en jetant toute la responsabilité sur une institution publique, le geste a été en tout cas mal perçu par les observateurs du marché boursier marocain.
Il faut reconnaître au dépositaire central Maroclear le mérite d’avoir clarifié la responsabilité de chacun des intervenants. «Abstraction faite du SRBM, les négociations de bourse n’impliquent pas un dénouement le jour même, compte tenu du cycle d’ajustement et de dénouement des opérations en question fixé à J+3, J étant la date de négociation», peut-on lire dans le communiqué de Maroclear, diffusé le samedi 8 juin.
Outre la suspension des transactions sur les titres cotés à la Bourse de Casablanca (actions, obligations), le dépositaire central est touché également par la fermeture du marché monétaire des bons du Trésor, conséquence directe de la décision du gouvernement de rendre le 7 juin 2019 jour chômé au niveau des administrations et des établissements publics.
Il faut savoir que les bons du trésor représentent près du tiers de la capitalisation globale des valeurs conservées par Maroclear qui s’élève à environ 1.800 milliards de dirhams. «Le gouvernement a suffisamment de visibilité pour nous informer un peu plus tôt du planning des ponts et jours fériés, le temps de nous y préparer et surtout de mieux communiquer avec les banques et institutions nationales et internationales», souligne un responsable à Maroclear.
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Certaines voix commencent déjà à s’élever contre la pratique des ponts et des vacances prolongées dans le secteur public. Car en plus de leur caractère inéquitable (du fait qu’elle exclue le secteur privé), cela peut parfois générer des effets nuisibles, à l’image de la suspension des transactions à la Bourse de Casablanca (le vendredi 7 juin 2019) ou encore la pénurie de cash qu’a connue le Maroc à l’occasion des vacances de l’Aïd (la semaine du 18 au 23 août 2018).
Pis encore, témoigne ce responsable de Bank Al-Maghrib, le fait de devoir dénouer en une journée les opérations cumulées pendant la période des vacances (remboursement de la dette intérieure et extérieure, les avances BAM, les paiements en devises, les opérations de repo, etc), augmente considérablement le risque opérationnel.
Autrement dit, le gouvernement doit imaginer toutes les conséquences possibles avant d’offrir ou d’ajouter un «pont» au calendrier officiel des fêtes nationales et religieuses.