L’Afrique centrale vit un moment charnière. Partagée entre la CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale) et la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), la région reste à la traîne en matière d’intégration. Corridors commerciaux discontinus, infrastructures défaillantes, faible bancarisation et dépendance persistante aux matières premières… Autant de handicaps qui freinent l’émergence d’un marché compétitif et souverain, estime le magazine Challenge.
Presque un an après le sommet extraordinaire des chefs d’État de la CEMAC à Yaoundé, le constat demeure préoccupant. Le commerce intra-régional plafonne à 3% des échanges, l’inflation échappe aux critères de convergence et la croissance reste fragile. Malgré un potentiel considérable, l’Afrique centrale demeure l’une des zones les moins intégrées du continent.
Face à ces blocages, une question centrale s’impose: comment transformer ces fragilités en opportunités? La réponse passe par des partenariats structurants, capables d’apporter expertise, connectivité et financements, indique Challenge.
Dans ce paysage, le Maroc apparaît comme un acteur stratégique. Après avoir consolidé sa présence en Afrique de l’Ouest, le Royaume se tourne vers l’Afrique centrale, fort d’un modèle éprouvé d’intégration continentale. Sa diplomatie économique proactive, ses banques présentes dans plus de 20 pays, la réussite logistique de Tanger Med ou encore ses avancées dans la digitalisation et les énergies renouvelables en font un partenaire attractif.
Pour l’ancien Premier ministre gabonais Alain-Claude Bilie-By-Nze, l’une des principales faiblesses de la CEMAC réside dans la faible qualité de ses infrastructures et l’absence d’industrialisation. «Les économies de la CEMAC, basées sur l’exportation de matières premières brutes, ne permettent que très peu d’échanges. Aucun des États n’est demandeur des produits des autres, faute d’industrie de transformation», observe-t-il.
À l’inverse, le Maroc a su capitaliser sur une stratégie de diversification. Ses groupes bancaires dominent le marché ouest-africain, Maroc Telecom s’est implanté au Sahel, et Casablanca Finance City s’impose comme hub pour les multinationales. Ce savoir-faire exportable trouve un terrain fertile en Afrique centrale, où les besoins en connectivité, en financement et en infrastructures restent immenses.
L’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) donne une nouvelle dimension à ce repositionnement. Pour l’économiste Hicham Alaoui, le Maroc doit saisir cette fenêtre d’opportunité pour renforcer sa présence dans les régions où il est encore peu implanté, en misant sur des approches régionales adaptées. «Le Maroc doit poursuivre son élan et anticiper les freins de la Zlecaf. Face aux défis économiques et juridiques, il faut construire la Zlecaf par région», insiste-t-il.
Dans cette dynamique, quatre secteurs apparaissent comme des leviers immédiats de coopération entre le Maroc et l’Afrique centrale. Le premier concerne les télécommunications et la digitalisation, avec le déploiement de la fibre optique, la mise en place de solutions de paiement mobile et le développement de l’e-gouvernance. Le deuxième relève du secteur bancaire et de l’inclusion financière, à travers l’élargissement de la bancarisation, la fluidification des transactions transfrontalières et l’émergence de marchés financiers régionaux.
Le troisième chantier concerne la logistique et le transport, avec la modernisation des ports de Douala et de Libreville, la création de corridors intégrés et le développement de zones franches inspirées du modèle marocain. Enfin, le quatrième domaine, celui des énergies renouvelables, ouvre la voie à un transfert de savoir-faire marocain dans le solaire et l’éolien, à l’appui des projets d’électrification rurale et à l’accompagnement de la diversification énergétique.








