Kamel Daoud: "On ne naît pas islamiste"

Kamel Daoud, en compagnie de l'artiste peintre Hassan Darsi

Kamel Daoud, en compagnie de l'artiste peintre Hassan Darsi . Brahim Taougar-Le360

Le 360 a rencontré, mercredi, à la Source du Lion, l'écrivain algérien Kamel Daoud, venu "Raconter un mur", les murs d'une Algérie post-coloniale où "les colons ont construit comme s'ils allaient habiter vette terre pour toujours. Et nous on y bâtit des hideurs".

Le 12/02/2015 à 16h42

Kamel Daoud, la fatwa dont vous avez fait l'objet n'a-t-elle fait que vous conforter dans cette certitude que le rapport à l'islam est devenu problématique?La religion, dans la région du Maghreb comme dans le monde dit arabe en général, est devenue un problème. Et pas seulement pour les citoyens concernés par ces régions géographiques, mais pour le monde entier. On tue au nom de Dieu. Au nom de Dieu, on égorge. Au nom de Dieu, on enlève et vend des femmes. Au nom de Dieu, on brûle des gens. Le problème réside donc dans le rapport à la religion et non dans la religion elle-même. Le problème n’est pas dans l’islam mais dans ceux qui s’en servent et l’utilisent. La barbarie du dit «Etat islamique», qui n’est ni un état, ni islamique, est une atteinte bien plus grave à l’islam que celle reprochée à Charlie Hebdo. Je ne comprends ceux qui disent défendre leur religion et en font un tel espace d’obscurantisme, de laideur où l’on va jusqu’à mettre un pilote en cage pour le brûler. Oui, le rapport à la religion est devenu problématique dans ce qu’on appelle le monde arabe.

La culture, la meilleure arme? La première sourate coranique commence par «Lis» et non par «jeûne», «prie», ou «fais le pèlerinage». Nous faisons face à une politique lâche de manipulation qui ne laisse pas place au dialogue et, sous le joug des islamistes, les esprits sont pris en otage. La solution est dans les livres, la culture, le dialogue, l’expression, le débat, la créativité. Il ne faut pas se mentir: on ne naît pas islamiste, on le devient à force d’idées dont on nous farcit l’esprit. La solution est dans la culture et l’éducation. Il n’y en a pas d’autre.

Que pensez-vous de cette crainte, aujourd'hui, d'une montée de l'islamophobie?Le monde est un équilibre de rapports de force. Ne nous mentons pas: évidemment, le plus fort avale le plus faible et le plus fort a sa culture, qu’il impose aux autres. Le jour où nous construirons nos pays sur des économies solides, des élites fortes, un regard fort sur le monde, alors, nous acquerrons notre place. J’aime cette phrase de George Washington qui disait : "Peu d’hommes, si vertueux soient-ils, résistent au plus offrant." Si nous n’avez rien dans la poche ni dans la tête, comment vous défendre? Défendre l’islam? Si nous construisions nous-mêmes des églises et des synagogues, nous aurions eu les arguments pour lutter contre cette islamophobie. 

Par Bouthaina Azami
Le 12/02/2015 à 16h42