Edition. Moncef Lyazghi décortique la politique sportive au Maroc

Moncef Lyazghi, chercheur en politique publique et droit du sport. . DR

Auteur de trois ouvrages et de plusieurs recherches sur le sport, Moncef Lyazghi revient avec un nouveau livre qui éclaire sur la politique sportive au Maroc durant un siècle.

Le 26/05/2018 à 17h37

Dr Moncef Lyazghi vient de publier un nouveau livre dont l’intitulé est «La politique sportive au Maroc (1912-2012)». Ce chercheur en politique publique et droit du sport décortique ainsi un siècle de la politique sportive dans le Royaume.

L’auteur, qui a dû éplucher plus de 1.000 références et près de 300 documents, présente des détails pointus sur le secteur sportif, la politique y afférente, les différents intervenants ainsi que les grands événements qui ont marqué le sport national. Il aborde également les propos des trois rois (Mohammed V, Hassan II et Mohammed VI) sur le sport.

Et c’est sans concession que Moncef Lyazghi, en analysant deux périodes différentes (Protectorat et post-indépendance), qu’il conclut à l’absence d’une réelle politique sportive de l’Etat. «Le sport au Maroc est géré de manière artisanale», nous déclare l’auteur du livre.

Le chercheur passe aussi au crible les discours royaux, les déclarations gouvernementales, les raisons qui président aux nominations au sein du ministère de la Jeunesse et des sports ainsi qu’au Comité national olympique marocain (CNOM) et les fédérations nationales.

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Trois questions à Moncef Lyazghi

Le360: Pourquoi, selon vous, le sport a toujours été le parent pauvre des politiques?

M.L: Tout simplement parce que l’Etat n’a jamais répondu à la question de savoir ce qu’il veut du sport: est-ce un sport compétitif? un sport de masse? ou un sport tourné vers l’économie? Depuis toujours, le sport n’a jamais figuré parmi les priorités de l’Etat. Preuve en est le budget qui lui est alloué et qui n’a jamais dépassé les 4% du budget global. En revanche, ce qui est curieux est que, au moment où le sport était toujours présent dans les discours et la pensée de feu Hassan II, il (le sport) était absent des programmes des gouvernements qui se sont succédé depuis l’Indépendance. A titre d’exemple, les deux déclarations gouvernementales de Abdelilah Benkirane (2012) et Saâd-Eddine El Othmani (2016) corroborent cette réalité. Le premier a parlé de manière globale, pour ne pas dire imprécise, sur ce qui a été accompli par le ministère de la Jeunesse et du sport. Le second a évoqué «la mise en œuvre de la stratégie nationale du sport». Or comment mettre en œuvre une stratégie qui n’existe pas?!

Pour résumer, l’Etat n’est pas convaincu que le développement du sport ne peut s’accomplir qu’à travers une vraie politique gouvernementale. Conséquence de cet état de fait: aujourd’hui, le sport continue d’être géré de manière artisanale et au jour le jour.

Quelle est la place du sport dans les programmes des partis politiques?

La présence du sport dans les programmes politiques a été toujours conjoncturelle, principalement liée aux échéances électorales. Sur les 90 programmes électoraux durant les législatives de 2002, 2007 et 2011, seules 44 formations politiques mentionnaient le sport, mais sans véritable projet. Chez les autres partis, le sport est pratiquement absent. Un exemple qui en dit long sur cet état de choses: le Mouvement populaire (MP) qui a géré le ministère de la Jeunesse et des sport cinq fois (Ameziane, Moussaoui, Ouzzine, Laânser et Sekkouri), n’a aucunement fait allusion au sport dans son programme électoral de 2012 et même les statuts du parti ne mentionnent pas le sport.

Pourquoi la recherche sportive au Maroc est-elle si pauvre ?

Pour la simple raison que l’Etat n’assume pas son rôle à ce niveau. Il en va ainsi des institutions étatiques et publiques, qui considèrent le chercheur comme un adversaire et non un partenaire. Personnellement, j’ai beaucoup souffert pour obtenir des informations auprès du ministère de la Jeunesse et des sports. Ajoutons à cela les problèmes de l’édition et du financement.

Aujourd’hui, la plupart des ouvrages édités sur le sport sont ou bien des autobiographies ou bien des livres retraçant l’histoire de clubs. Mais il y a trop peu d’ouvrages académiques avec une méthodologie scientifique. Ce dernier côté exige un travail dur et de longue haleine et même quand il est réalisé, il a peu de chance d’être publié.

«La politique sportive au Maroc (1912-2012), 464 pages, Moncef Lyazghi, Ed. Alwan Arrif, Prix: 200 DH.

Par Abdelkader El-Aine
Le 26/05/2018 à 17h37