J’adore le train. C’est d’ailleurs souvent dans un TGV que j’écris mes chroniques, mes nouvelles et même mes romans. Mon ami, l’écrivain David Foenkinos, me confiait que le train était devenu un véritable bureau pour lui et un accélérateur d’inspiration. Il suffit que la voiture s’ébranle, que les paysages se mettent à défiler pour que les mots, lentement, s’accrochent au papier. Le train est depuis toujours l’allié des écrivains, un lieu propice à la rêverie ou aux rencontres fortuites. En France, je passe énormément de temps dans les gares et sur les lignes de TGV pour rejoindre les librairies de province où j’ai la joie d’être invitée. Au Maroc aussi, je préfère toujours le train à la voiture. Un moyen d’éviter les désagréments de la route, la peur des chauffards et de m’adonner tranquillement à la lecture ou au travail.
Il y a quelques jours je suis tombée sur une interview qu’ont donnée les patrons de la SNCF, Guillaume Pepy, et de l’ONCF, Mohamed Rabie Khlie au journal Le Monde. Ils y font le bilan des avancées de la ligne à grande vitesse (LGV) au Maroc. L’office chérifien travaille en effet en étroite collaboration avec l’entreprise française dont le leadership dans ce domaine n’est plus à prouver. Le TGV au Maroc, il y a de quoi me faire rêver ! Si tout se passe comme prévu, à la mi 2018, il sera possible de faire Rabat-Tanger en deux heures, contre presque cinq heures aujourd’hui. Oubliés les compartiments surchargés, les trains retardés, les arrêts interminables en rase campagne… D’autant que, si l’on en croit les deux patrons des cheminots, le TGV marocain ne sera pas un train de luxe mais sera au contraire abordable pour les classes moyennes.
Les deux patrons évoquent ensuite l’avenir et ne se privent pas de rêver à un élargissement de la ligne. Vers le Sud d’abord et donc vers l’Afrique subsaharienne, dont les liens avec le Maroc sont sans cesse plus étroits. Mais vers le Nord aussi avec la construction d’un éventuel tunnel sous le détroit de Gibraltar. Un défi technique qui ne semble pas insurmontable selon les deux patrons. On a bien construit un tunnel de 35 kilomètres sous la Manche alors pourquoi ne pas envisager de relier deux continents qui ne sont séparés que par 14 km ! Certes me direz-vous, les difficultés ne sont pas les mêmes puisqu’il faudrait descendre 400 mètres sous mer (contre 50 pour la Manche) pour faire un tunnel sous la Méditerranée. Mais en réalité, l’ingénierie n’est qu’une partie du problème puisque la question est d’abord et avant tout politique.
Lorsque j’étais étudiante, je m’étais penchée sur le sujet et j’avais appris que, depuis les années 1980, des équipes d’ingénieur marocains et espagnols étudiaient les possibilités de relier les deux pays. Le roi Hassan II avait d’ailleurs utilisé cet argument pour plaider en faveur de l’adhésion du Maroc à la Communauté européenne, à la fin des années 80. Lors d’une rencontre avec la Commission européenne, il avait notamment exposé une étude très sérieuse sur la faisabilité d’un pont entre Tanger et les côtes espagnoles, pont qui arrimerait définitivement le Maroc au continent européen et en ferait un partenaire incontournable. A l’heure où des migrants se jettent sur les grilles de la frontière à Ceuta, où Donald Trump pense à ériger un mur à la frontière mexicaine, où les conservateurs européens gagnent des voix en promettant de rétablir des frontières hermétiques et où la Turquie fait du chantage en prenant les réfugiés pour otage, cela fait du bien d’entendre parler de telles utopies. Alors rêvons d’un pont, d’un tunnel, de trains qui filent dans les magnifiques campagnes de nos continents, rêvons à tout ce qui nous unit.